22. Nocturne de Châteauneuf de Grasse
Les lumières de Châteauneuf là-haut sur la colline éclosent
Dans le soir pervenche ainsi que fleurs que je n'ai pas cueillies
Il fait noir sur le cimetière en pente au bas duquel est éteint
Le supermarché où l'on croisait des filles qui copiaient des stars
À la perfection longues jambes jupes courtes déhanché lascif
Lunettes de soleil dans les cheveux façon diadème
Dans la plaine les carrés d'oliviers se devinent encore
Et ce halo bleu pastel là-bas en réalité c'est la mer
Excitée par un dernier rai du couchant
Les paillotes des bords de plage se remplissent d'un vacarme
De danseurs hystériques et de boules clignotantes
Suspendues dans l'ombre des plafonds
Les riches s'y encanaillent comme ils peuvent
Sur cette terre même pour les riches il n'est pas si facile
Que l'on croit d'être heureux
A la façon des misérables chacun s'efforce de sourire avec dignité
Celui-ci qui fait semblant n'arrive pas à être aimé Il en est
À son quatrième divorce et rit très fort sans être gai
Grâce à des torrents de champagne qui le laissent au matin les yeux
Cernés et de l'amertume plein la bouche
Cet autre a un cancer du pancréas que tout le monde ignore
Les envieux font la haie lorsqu'il descend de sa décapotable
Rouge Maserati Ils ont le regard enfiévré de rêves
Lui changerait volontiers sa fortune contre une chance de mourir
Trente ou quarante ans plus tard que les trois mois qu'il lui reste
Mais le couteau rouge qui t'attendait près du cimetière
Sous tel buisson où tu allais pour un besoin pressant
Était le couteau de la Parque
Il a tranché quantité de destins dont tu n'as jamais rien su
Et dont tu as lavé les traces à midi
Ce jour où tu as plongé sa lame dans la nuit de la fontaine
Parmi les reflets qui brillaient comme de l'inoxydable acier
Tandis qu'à ta colère était offert un sursis de quelques années
Et la sérénité de la Lune irisée qui s'élève dans la nuit comme une bulle de savon
Pour t'alléger du faix écrasant de ce monde