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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 13:37



22. Nocturne de Châteauneuf de Grasse



Les lumières de Châteauneuf là-haut sur la colline éclosent

Dans le soir pervenche ainsi que fleurs que je n'ai pas cueillies

Il fait noir sur le cimetière en pente au bas duquel est éteint

Le supermarché où l'on croisait des filles qui copiaient des stars

À la perfection longues jambes jupes courtes déhanché lascif

Lunettes de soleil dans les cheveux façon diadème



Dans la plaine les carrés d'oliviers se devinent encore

Et ce halo bleu pastel là-bas en réalité c'est la mer

Excitée par un dernier rai du couchant

Les paillotes des bords de plage se remplissent d'un vacarme

De danseurs hystériques et de boules clignotantes

Suspendues dans l'ombre des plafonds

Les riches s'y encanaillent comme ils peuvent

Sur cette terre même pour les riches il n'est pas si facile

Que l'on croit d'être heureux



A la façon des misérables chacun s'efforce de sourire avec dignité

Celui-ci qui fait semblant n'arrive pas à être aimé Il en est

À son quatrième divorce et rit très fort sans être gai

Grâce à des torrents de champagne qui le laissent au matin les yeux

Cernés et de l'amertume plein la bouche

Cet autre a un cancer du pancréas que tout le monde ignore

Les envieux font la haie lorsqu'il descend de sa décapotable

Rouge Maserati Ils ont le regard enfiévré de rêves

Lui changerait volontiers sa fortune contre une chance de mourir

Trente ou quarante ans plus tard que les trois mois qu'il lui reste



Mais le couteau rouge qui t'attendait près du cimetière

Sous tel buisson où tu allais pour un besoin pressant

Était le couteau de la Parque

Il a tranché quantité de destins dont tu n'as jamais rien su

Et dont tu as lavé les traces à midi

Ce jour où tu as plongé sa lame dans la nuit de la fontaine

Parmi les reflets qui brillaient comme de l'inoxydable acier



Tandis qu'à ta colère était offert un sursis de quelques années

Et la sérénité de la Lune irisée qui s'élève dans la nuit comme une bulle de savon

Pour t'alléger du faix écrasant de ce monde





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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 14:39



21. Nocturne de Theana



Ton sommeil tel un îlot de pierres

Empanaché d'arbres aux corymbes transparents

Scintille doucement sous le ruissellement des lucioles et vers luisants

Qui tombent de la pleine lune en agitant leurs douze pieds



C'est un sommeil de crabe dont la pince dans les vagues

Hache les reflets de l'instant qui s'éparpille en milliers de copeaux

Nuit consacrée entière à des jeux de lumière

Jalouse entre les mains de l'eau pourquoi t'acharnes-tu à briser tes miroirs

Avec ce grand fracas de bouteilles cassées

Même lorsqu'ils t'ont dit que tu étais la plus belle



Tu ressembles à ma Muse qui me fait écrire un poème après l'autre



Y allumant une étincelle lointaine comme une étoile

Elle me fait espérer qu'enfin au piège de mes phrases j'aurai capturé

Un brin de paradis Un rien de la phosphorescence de la Vierge

Au fond de la caverne du miracle ou peut-être

Mince et radieux un clone du sourire ineffable de l'Ange

Qui palpite un moment au fond des mots tant qu'ils se prennent

Encore pour des choses



Avant qu'elle ne consume le rêve et qu'il ne m'en reste que cendres

Sur le papier froissé des nuits où j'ai crié en vain depuis mon île

A l'instar de Theana la petite Chouette de ma haie

Qui tourne de tous côtés ses yeux d'or agrandis par l'amour









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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 12:49



20. Nocturne indicible



L'innommable amenuise le soir, étouffe l'ultime lueur

Au défaut des Maures, prend les pins en otages dans ses serres obscures

Des éclats de lumière se brisent dans les vitrages

Depuis la rue on aperçoit des mouvances bleuâtres aux plafonds des chambres

Les télévisions braillent par les fenêtres ouvertes amours crimes passions

Assis les gens se délectent de ces vies par procuration



Zappons - ici enfer - zappons - là paradis – paradis – enfer – paradis

Les « feux de l'amour » - enfer les « feux de l'amour » - enfer

« Apocalypse now » - paradis « Le genou de Claire »...

Enchaînés aux chaînes de télé ces décérébrés du soir

Pour qui le seul choix est entre pire et pire

Attendent le naufrage



Demain stridences du réveil l'âme émergera des strates de l'être

Pour à nouveau déplacer l'espace autour des corps

Chacun regardera sa compagne endormie avec le sentiment qu'il est veuf

On entendra le café renifler dans la cafetière

S'écouler la noirceur brûlante quand s'offre la tasse amère

La radio recommencera sans vergogne à débiter des sornettes

Il faut bien dire quelque chose puisque le silence est insupportable

Et que le ronflement des moteurs dans les rues n'a pas de sens



Mais le jour si lumineux qu'il soit demain ne dénouera pas

L'innommable qui hier déjà me poignait le cœur





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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 11:35



19. Nocturne des amants



La lumière de la lampe file son or dans tes boucles

De ce que tu murmures même la nuit curieuse n'entend rien

Tant tes lèvres sont près de mon visage

Et moi même hypnotisé je n'entends que la musique de ta voix

Le sens des mots n'y rajouterait rien



Je respire ces cheveux ainsi que la senteur de fougères

D'une aurore au fond de la forêt

Soudain surgissent les mers les montagnes Parois géantes

Tes joues lisses et l'arête de ton nez Le choc et le vertige

Soudain de ton regard qui s'est accroché au mien

Cet iris vert immense avec le trou noir de la pupille

Par lequel mon image entre dans ton esprit



Un lent frémissement saisit la nuit entière et accélère

On sent que s'éloigne le sol avec la pesanteur qui augmente

En s'affaiblissant La sorte de saisissement qu'on éprouve

Lorsqu'un tapis volant décolle - j'imagine !

Puis de part et d'autre ces tracés phosphorescents qui défilent

Dans une rumeur d'amour sont des étoiles par milliers



Elles jaillissent de la nuit artésienne et moi avec elles

Ton joli corps m'accueille ainsi qu'un arbre dans sa fourche

Offre un refuge à quelque emplumé solitaire

Alors qu'un vent fou secoue le monde entier au-dessous de lui

Et qu'un grand ange de cristal éperonne nos chairs jusqu'à l'oubli







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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 11:00



18. Nocturne du triangle bleu



Comment la nuit intéresserait les jeunes gens autrement

Que dans l'éruption lumineuse et l'incendie des corps

Ils ne rêvent que lèvres, frissons, regards troublants, mains jointes

En attendant des jonctions plus intimes et plus éblouies



Délices du reproche et du malentendu cultivés avec soin

Puisque de leur terreau surgit la fleur de réconciliation

Invisible jasmin des oreillers et des « lits pleins d'odeurs légères » !

Toutes ces nuits jonchées d'interjections « monstre » « sans coeur »

« Menteuse » « cruelle » et de « tu ne m'aimes pas vraiment »

« Moi je ne pourrai pas vivre sans toi » - « Prouve-le ! »



Ces nuits où les objets n'existent plus qu'à peine en témoins silencieux

Au cœur d'un brouillard de suie qui commence au-delà

De la bulle de clarté close sur « nous deux »

Ma main sur ton sein La tienne errant ainsi qu'au jardin

Quand je te regardais caresser les figues emperlées

D'universelle rosée



Depuis envers et contre les heures les plus obscures

Songe qu'au fond de nous comme un voilier à l'horizon

Dans notre for intérieur il reste un irréductible

Petit triangle commun de ciel bleu







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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 18:31

 

 

17. Nocturne des étoiles filantes



Dans les cieux noirs on attend une pluie d'étoiles filantes

Comme on n'en peut voir – selon les astronomes – que tous les

Quatre-vingt six ans J'aurais pu ne pas voir celle-ci et la prochaine

M'apparaît tout à fait hors des limites de mon avenir

Insolite sensation d'imaginer un futur au-delà de ma mort

Comme il y eut un passé qui a commencé avec ma naissance

Et s'est enfoncé dans sa propre nuit de plus en plus loin de plus en plus flou

Jusqu'à ces premières figures de bronze, aux premiers silex taillés

Aux premiers dessins d'animaux charbonnés sur la paroi des grottes

Etoilées par le décalque des mains de nos aïeux incommensurablement

Distants de notre présent Lesquels pourtant voyaient la même Lune

Monter derrière les cercles de pierres levées

Le même soleil à l'aube entrer au fond des cavernes du solstice

Pour adouber de son sabre d'or les épaules d'un chaman à demi-nu



La vie était brève alors mais pleine de mystères, d'aventures

Au demeurant pour nous non moins inimaginables

Que serait notre existence actuelle pour ceux de nos congénères

Qui vivaient il y a vingt-cinq mille ans



Le même soleil qui va entrer d'ici quelques heures par la baie

De notre chambre à coucher

Et poser sa lame changée en doigt d'ange sur les yeux de ma belle

Afin que s'ouvrant son regard donne naissance à ce qu'un nouveau jour,

Banal, aura de merveilleux...









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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 15:49



16. Nocturne de la chaise vide



Affalé sur mon bureau parmi les papiers je me suis assoupi

Sur mes bras croisés et voici que la nuit est tombée

Sans prévenir et je m'éveille dans l'obscurité

Surpris de découvrir qu'ignorer où je suis est mon état profond



Je pense à la chaise vide dont parle tel poète

Depuis son lointain poème elle m'observe fraternelle !

Puis je pense au poète lui même À ce que j'en sais

À cet art contemporain qu'il a de faire miroiter le quotidien

Grâce à quelques mots bien placés dans ces vers bref qui sont

Si facile à comprendre pout tout un chacun



Puis je pense à tous les poètes qui lui ressemblent

Et aux autres aussi Tous ces autres qui s'avancent dans leurs rêves

Comme nous dans la nuit, nous les exclus de la cité,

Les trafiquants du langage, les bannis de tous poils, les révoltés,

Dont le vent oriente tous les sens et qu'une flamme de sel

Brûle à la façon d'une bizarre Pentecôte

Nous que le vent dans la nuit fait grincer comme des girouettes

Qui ne savent pas à quelle étoile se vouer



Nous qui écrivons avec un hurlement silencieux des choses

Que nous ne parvenons pas à comprendre nous-mêmes

Qui tournoyons à contre-ciel parce que nous ne savons pas descendre

Qui avons ce que nous sommes pour axe autour duquel rayonne

Le vertige d'une existence sans limite

Et dépensons une inutile lumière dans la noirceur glaciale et sans échos

De l'infini







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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 10:07



15. Nocturne de la verdure



C'est un soir à se saouler de verdure

Le petit nom affectueux que j'ai donné à cette eau

De vie artisanale à la menthe poivrée

Qui réveille en moi une sorte de mémoire végétale



Car c'est de cet ambre vert de la mémoire que je vis

Mon univers comporte une bien plus vaste proportion

De passé que d'avenir Par contraste

Avec le ciel inaccessible où évoluent les beaux oiseaux immaculés

Il ressemble à la mer, à telle


Houle fraîche du passé où l'on plonge à la rencontre des vestiges

Des naufragés que nous fûmes



Tous ces jeunes gens qui sont moi – paraît-il - sur les photos

Avec leurs mèches en travers du front, leurs visages lisses

Et acérés, l'expression d'assurance sur la bouche et dans les yeux

Qui me paraît aujourd'hui voisine de la forfanterie



Ils peuplent désormais les Atlantis de l'abîme

L'obscurité qu'éclaire par hasard la goutte de lumière

Qui balance devant le front de ces errants solitaires des grands-fonds

Espèce molle et déformée analogue aux reliques de l'oubli



Qui veut trinquer avec moi d'un peu de verdure des profondeurs ?

Qui veut à mi-chemin entre songes et souvenirs, entre jasmin et giroflée,

Vivre une vie d'algue ou de corail ou même de poulpe qui explore

Tous tentacules déroulés les cales vomissant des monnaies d'or

Qui sont les lunes refroidies de nos anciennes nuitées ?



Qui veut ainsi devenir riche en respirant à nouveau l'ambre

Embaumé où se trouve éternisé le bonheur qu'il avait perdu ?







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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 08:41

 

 

14. Nocturne des ivrognes



On voit la vie si rose quand on est charbonnier

Avec une foi d'alcoolique ! J'ai connu un type qui

Chaque fois qu'il était gris, disait : «Il y a un Dieu

Pour les ivrognes !» Puis braillant des grivoiseries

S'en allait titubant à travers le soir, tombait parfois et s'endormait

Sur un talus ou dans un caniveau sans s'être jamais rien

Cassé... D'autres même en plein jour voient tout en noir

 

Et leur réalité que rayent par moment des rires jaunes

Ressemble à une guêpe opiniâtre et lancinante

Surtout la nuit lorsqu'il se fait un lent silence

Sur toutes choses, que chaque objet vous regarde


Sans yeux, et que le papier blanc sympathique buvard

Profitant de la chaleur cherche à révéler vos pensées !

 

Sur le gravier de l'allée qui mène au seuil nous reviennent

Les pas crissants des disparus mais inutile

D'aller ouvrir la porte : sous l'arche de l'auvent il n'y aura

Que le sourire triste de la lune et fermant le jardin la haie des bambous obliques

Qui balancent à la moindre brise leurs profils fantomatiques.



La chouette laconique et régulière hulule

Toutes les trois minutes

Comme un reproche aux insomniaques trop diserts

Qui griffonnent des poèmes à longueur de pages

En se figurant qu'ils ont à remplir de phrases immortelles

Des feuilles qu'ils ne feront lire à personne et jetteront demain

Sitôt que sera de retour la lucidité de l'aube

 

 

Qu'importe ! La verdeur glauque de la poésie est ton absinthe,

A ta manière ainsi que d'autres tu en as intoxiqué ta foi :

On pourrait bien prétendre au fond

Que les ivrognes et toi avez la même religion !





 







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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 11:57



            13. Nocturne des roses



Roses noires qui grandissez au détriment des roses pourpres

Du couchant, apportez-nous les airs de mer avec les cris derniers des mouettes

Geignant sur l'air du petit veau cherchant sa mère



Qu'on chasse l'oiseau fou encagé dans ma tête et le désordre de sa plume d'or

Tandis qu'affamé s'attarde alentour le sphinx aux babines tremblantes

(Une version tragique de «Titi et Gros-Minet» !)



Outre l'angoisse qui rôde, il existe des roses

Dont je préfère voir se paver mon chemin d'une pâleur de lis



Ce sont les roses d'encre au rosier poussé sur l'abîme

Dont parfois les rafales secouant la ronce

Détacheront l'un ou l'autre pétale

Parfumés à travers les éthers de minuit



Mais c'est par accident car celles qui sont les plus belles

Je les garde pour moi dans un tiroir secret.



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