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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 13:02

 

 

 

                             LE MIEUX

 

"Le mieux est l'ennemi du bien", disait mon père :

À travers les blancs rideaux, brodés de motifs floraux

Qui ressemblaient vaguement à des vases de tulipes

Stylisés, la clarté du ciel tombait sur la moitié droite

De son visage empreint d'une sérénité de philosophe...

Au mur, une carte en relief de mon pays natal surplombait

Son bureau qu'une nappe d'ordre méticuleux semblait recouvrir

Parce qu'il n'y voyait plus guère et qu'il fallait évidemment

Que tout soit toujours à la même place afin d'éviter

De déplaisants tâtonnements... Mais moi, qui suis encore

Voyant, je n'ai jamais cessé de tâtonner à la recherche

Maladive du Mieux ! Insatisfait, même à présent, j'envie

Ces poètes qui, sans lever la plume, d'un trait

Génial écrivent un poème inoubliable, apte à bouleverser

D'abord les Dames, puis le public en général, y compris

Le coeur glacé des politiciens. Le Mieux, oui, l'Infini,

La Perfection, c'étaient des mots qui me faisaient vibrer,

Enfant déjà. Depuis, j'ai dû en rabattre beaucoup

Pour ce qui est du Mieux : où le chercher ? À quoi

Le reconnaître ? Il m'a bien fallu accepter qu'il ne reste,

Dérivant sur tous ces songes creux, que l'Infini...

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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 18:18



       SONO NO KÔCHO



Sono no kôcho... de l'autre côté du globe,

Cyclones et séismes, centrales atomiques

Fumantes et tsunamis aux colossaux manteaux de boue...

La Tortue au fond de la Mer du Japon se secoue !

Souvenirs de grande lune blanche sur les cerisiers en fleur...



Dans la flûte de bambou, le brame du cerf en automne !

Sur la rivière de peinture indigo court le coq aux pattes

Trempées dans le vermillon ! Feuille mortes dérivant

Au long de la Sumida. Hôk'saï et Hiroshigué...

Lointains enchantements d'un autre temps.



Kuji mokuyôbi kugatsu... Ce n'est pas exagérer que dire

Bientôt le papillon rouge deviendra kôchoku – raide

de froid - ; quant à l'avenir il est utagawashii,

fait d'incertitude ! Utagokoro, tu disparais, et nous,

(Ronde Lune sur la Sumida parmi les feuilles pourpres)



Avec toi, en ce qui nous fit humains, disparaissons aussi.







(« Utagokoro » en japonais : le goût de la poésie)





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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 09:59



                           Être poète



En fin de compte – si peu de chose, être un « poète » !

Un être de langage amer et sans orient qui erre

Au sein d'un immense chaos que sa parole augmente

Irise et apprivoise ; et, désintéressé, qu'il entend donner

A ressentir à tous, en un voir pur, limpide et ordonné...



Ridicule ambition – de qui veut traverser la mer

En coquille de noix ! De qui voudrait recueillir

Le feu solaire avec la petite cuillère – en or fût-elle ! -

Du vers et le verser en lingots d'encre refroidis,

Comme si ce noir-là pouvait rendre-compte de la Lumière !



Ô mes poèmes, mes soleils mort-nés, la bouche ouverte

Encore sur le souffle qui vous a manqué face à la perfection,

Pareils aux gens de Pompéï qui vécurent trop près

De la Nuée Ardente, et par elle furent changés d'un coup,

Lors d'une pétrifiante nuit en éternels nageurs de cendre !





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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 08:57



Automne occidental



De nouvelles brumes pour rafraîchir les stèles desséchées

Où se meurt le poème acéré du siècle



Et ce n'est pas d'être pauvre en images, indigent en mots

Qui lui rendra la réalité



L'ouest assombri fomente ses tempêtes

À fleur d'eau les brisants aiguisent leurs canines



D'être analogue au Rien à travers nos paroles

Change l'asphyxiant Chaos en monde intelligible



Un tour de passe-passe que je n'ai jamais

Vraiment compris.





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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 08:46



                         L'Insoluble



Vous cherchez votre lyre et ne trouvez dans l'herbe

Que quelques cordes vocales rouillées

Ce n'est pas une simple guerre

Que de lutter contre la nuit !



Une porte qui battrait dans le vent,

Avec de l'autre côté un Dehors

Qui serait le même monde profilé dans la lumière

Et l'ivresse verte qui nous attend folle et mortelle



Avec le retour du rouge-gorge à l'automne...



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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 15:55



                                    Aïlenn



Ce halo sur les choses, ce halo d'une verdeur d'absinthe,

Depuis l'instant où j'ai vécu dans la splendeur de tes yeux clairs...

Et qui persiste sur les choses, qui persiste quand tu es absente :

Sillage de comète ou senteur rémanente

D'un invisible rien alliant giroflée au jasmin...



Tu passes dans la rue, un printemps blond t'escorte.

Attablés au bistrot, deux vieillards te suivent du regard

En souriant. Leur chef blanchi prend un reflet de menthe.

A seulement te voir marcher, il leur revient une oubliée

Sensation que pour eux aussi existe un avenir.



Au jardin, je vois bien toutes les plantes qui te hèlent

En silence, espérant de tes mains limpides la fraîcheur

D'une eau flexible, et la grâce heureuse des heures...

Alors qu'un gras minet circule dans les graminées,

Autour de toi, ainsi qu'un colibri vibrant dans une fleur


Profonde, avidement ma rêverie absorbe ta présence.





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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 09:35

 

 

                          Depuis l'origine



Être comme les chênes et les pins qui unissent les heures !

Un seul moment, des graines aux carènes... Dans les frondaisons

Le vent éveille quelque vert pressentiment de voiles,

Le chant lointain des mers l'accompagne de son ressac...



L'homme est-il pareil à tel grand arbre lent qu'un bûcheron abat

Pour qu'après émondage, il se dresse au-dessus d'un navire,

Enhaubanné de rêves et du grand pavois où flottent les parfums

De départs réglés sur d'exotiques, mouvantes, lointaines étoiles

A l'aplomb toujours repoussé de paradis penchés sur leur reflet ?



Un seul moment depuis l'éclatement d'un germe de lumière

Jusqu'à l'occulte infini où gravitent en tournoyant quasars et galaxies,

Au-delà du cher azur au sein duquel notre tête respire



Dans la grâce dorée d'un soleil réfracté en milliers de journées

Qui nous offrent d'un monde uni mille émotions contradictoires,

Visage d'enfants ou de femmes, ou neiges sur les crêtes bleues,

Comme si de rien n'était depuis l'origine de cette vie !



 

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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 15:37

                                       Coups de chaud



Être encore assez jeune pour parler du monde ? Mais comment ?

Tandis que, dans la chaleur où tout dort, tu déclines tes rêves,

Là-bas, sur l'autre rive, les Lybiens s'entre-assassinent avec enthousiasme,

Les Égyptiens jugent leur pharaon, les Tunisiens refont leur univers ;

Je me tairai quant à d'autres régions où le sang se mêle au pétrole.



Que dire de plus ? Ici, dans la chaleur, même les pies se taisent.

Entre les pins un reflet vert clapote sur le ciel de la piscine.

Seul un loriot citron s'acharne à picorer parmi les feuilles du figuier ;

On croirait qu'un fragment du soleil de midi a choisi l'autonomie !

Accablé par des siècles de mémoire, voici que je courbe l'échine.



J'ai l'impression que tout s'affaisse au signal de mes épaules,

Et que les peuples, tour à tour, ont comme moi pris des coups de soleil.





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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 10:59



Métamorphoses



Insupportablement la flûte transperçait jusqu'au confins du paysage...

Aux carrefours des nymphes blondes à peine vêtues

T'offraient un vin rosé qui tremblait dans leurs mains étroites

Comme les inflexions d'une langue étrangère,

Et l'ivresse t'avait gagné bien avant que tu n'en aies bu !



Les montagnes tremblaient aussi dans l'alcool de l'atmosphère

Teintée à la lavande et mauve ici ou là comme fleurs de lilas...

Chaque minute découvrait les rires de nouveaux visages.

Les oliviers penchés nous observaient, aux regards vert-amande

Jaloux d'avoir perdu, depuis le temps de Virgile et d'Ovide,



Le secret de changer leur aubier en ventre, fesses et seins blancs !







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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 10:33



L'image de la poésie



Plus de rimes, plus d'échos à l'envol bleu des libellules !

Sur la pierre brûlante où comme une vipère

Le soleil sommeillait enroulé sur lui-même,

Tu ne tentais plus de graver les initiales de ton nom :

On ne cherche à marquer sa trace qu'à l'adolescence

De peur de perdre le vecteur qui nous montrerait le futur !



Ce qui s'imprimait par moments dans la poussière du chemin

S'effaçait aussitôt que se levait la moindre brise.

Peu t'importait. L'égarement chantait dans les collines

Il empruntait sa voix aux sources mal-captées

Dont ruisselait la transparence aux abords des vieilles maisons...

Bizarre ces tuyaux rouillés, tordus, barbus de mousse jaune,

Crachant à pleine bouche au flanc des pentes des rasades pures !



Tel un pauvre obsédé qui partout voit surgir la splendeur qui le hante

Et d'un fantôme affuble incessamment des formes de rencontre,

Dans cette eau de lumière que le temps laissait filer en pure perte

Au cœur d'un paysage aux airs de pain recuit par la chaleur de l'août,

Tu lisais, tu relisais à chaque fois, l'image abstraite de la poésie.

 



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