LE MIEUX
"Le mieux est l'ennemi du bien", disait mon père :
À travers les blancs rideaux, brodés de motifs floraux
Qui ressemblaient vaguement à des vases de tulipes
Stylisés, la clarté du ciel tombait sur la moitié droite
De son visage empreint d'une sérénité de philosophe...
Au mur, une carte en relief de mon pays natal surplombait
Son bureau qu'une nappe d'ordre méticuleux semblait recouvrir
Parce qu'il n'y voyait plus guère et qu'il fallait évidemment
Que tout soit toujours à la même place afin d'éviter
De déplaisants tâtonnements... Mais moi, qui suis encore
Voyant, je n'ai jamais cessé de tâtonner à la recherche
Maladive du Mieux ! Insatisfait, même à présent, j'envie
Ces poètes qui, sans lever la plume, d'un trait
Génial écrivent un poème inoubliable, apte à bouleverser
D'abord les Dames, puis le public en général, y compris
Le coeur glacé des politiciens. Le Mieux, oui, l'Infini,
La Perfection, c'étaient des mots qui me faisaient vibrer,
Enfant déjà. Depuis, j'ai dû en rabattre beaucoup
Pour ce qui est du Mieux : où le chercher ? À quoi
Le reconnaître ? Il m'a bien fallu accepter qu'il ne reste,
Dérivant sur tous ces songes creux, que l'Infini...