Par la fenêtre
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Dehors se trouve un monde étrange
Des villages bas avec une rue centrale
et des croisées noires où de blancs rideaux
retombent sur des faces intriguées
Elle n’aiment pas qu’on voie leur curiosité
s’interroger sur le garçon en moto crépitante
qui tourne au coin de l’unique carrefour
ou le type trapu qui sort du bistrot en lissant
machinalement sa moustache le pouce
glissé sous la bretelle gauche d’une salopette
de jardinier Ailleurs il y a des villes pleines
de manifestants avec des pancartes vengeresses
Sur d’autres continents des milliers de bipèdes
se mutilent réciproquement par tous les moyens
Indifférents à ce que les mines dont ils ont
piégé les champs blessent des enfants innocents
Dans les belles villas des bords de mer des oisifs
regardent à la télévision des soaps dont les acteurs
font semblant de vivre des drames sentimentaux
avant de rentrer chez eux se cuire des spaghettis
aux œufs ou se faire livrer d’énormes hamburgers
En des régions énigmatiques à Grandes Murailles
on mange du chien découpé en cubes minuscules
avec des baguettes en bambou On soigne le mal
de tête avec du venin de mygale On se frotte
les tempes avec le baume du Tigre ou encore
on s’enfarine la face et les bras de cendres
Et tout cela n’est rien que miettes de ce qu’on
pratique d’ordinaire dans les diverses sociétés
qui composent l’Humanité - Alors oui Je peux
affirmer que dehors se trouve un monde étrange
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Avec ou sans nous...
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Des idoles noires aux masques cornus
grimacent au fond d’une ronflante ruche de ténèbres
J’y creuse un tunnel de songe et tout au bout
de ma pensée au loin j’entrevois une arche claire
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Il y a face à la mer un immeuble de balcons et de vitres
Au quatrième étage qu’illumine le soleil sitôt quitté
le giron bleu des eaux jusqu’à l’horizon dépoli
des femmes aimées sont aux prises avec la vie
.
Demain les mouettes vont annoncer en criant
la lumière Des engins pétaraderont dans l’avenue
Des gens en tenue de jogging longeront la plage
en respirant l’air frais à l’odeur d’écume et de sel
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Comme si la terre devait tourner éternellement
Conversion
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Le feu des premiers rayons une nouvelle fois
blanchit entre les pins les façades des villas
Vois disait l’aède s’enfuir tes jours à la plume rapide
Chacun emportant comme graine d’or
loin au-delà du paysage un clin de la beauté
que quelque bonne fée t’avait confiée à ta naissance
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Et chaque fois c’est une ride neuve à graver ton visage
mais un poème en moins à grever de sa noirceur d’encre
ton âme qui finira par n’être plus rien que lumière
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Préfiguration
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Or voici l'heure du chien noir
Museau pointu il s'avance debout
peint sur la paroi de la nuit
sa balance à la main
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Terrifiés même les petits cauchemars se taisent
Ils frissonnent comme des grelots
puis vont se réfugier sous les souvenirs patinés
qui meublent ta mémoire
.
La Belle au loin mène une lutte héroïque
au chevet de toutes les douleurs
De l'autre côté du monde il fait jour
épidémies guerres incendies se propagent
.
Hécatombes d'animaux et d'humains
Que peut l'instinct d'aimer quand la folie
gagne tous les continents
et de ses mauvais spasmes contamine la Nature
.
Novembre sur la fin
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Fiancées du soleil et du vent
Feuilles qui frémissez d'un désir
longtemps déçu d'envol
que ne satisferont que des heures
de sang et d'or
. Feuilles indéchiffrables
m'abandonnerez-vous avec détachement
à la nuit solitaire dont vous êtes nées
tandis que vous serez soulevées jusqu'aux
nuages et comme eux emportées
outre monts inconnus et vallées
dont les reflets seuls par les fleuves
glissant finiront mêlés à la turquoise mer
environnés d’une odeur d’encre et d’anis
.
Mon bonheur sera qu'un soir
oboles ambrées de mon automne
l'une ou l'autre d'entre vous
victime d'un enfant admiratif
se retrouve engeôlée dans les pages
grillagées de son cahier d'écolier
amande aurore oubliée par le temps
comme un pharaon au secret de son hypogée