Tu voudrais que pour ton lecteur les mots
S'effacent devant tout cela qu'ils donnent à voir
Que l'oiseau noir et blanc de la réalité retrouve
Les milles nuances du paon quotidien
Lorsqu'il déploie l'arc-en-ciel des aubes et des crépuscules
Et que la chimie encore active dans le recoin
Le plus enfantin et secret de nos âmes
Les change en longues rêveries
Comme au temps des jasmins et des amoureuses
Quand la nuit leurs pâleurs se mêlaient dans le même parfum
Et que dans l'ombre fleurissaient les sexes entr'ouverts
Les mots les pauvres mots qui découpent
Aujourd'hui mes poèmes en forme de ruines
Et leur murmure en sibilants gémissements de bises
Qui eussent à jamais perdu le Nord
Je vais par mes déserts comme le dernier aède d'une
Civilisation perdue Les frontières de ma langue
Sont désormais enfouies sous les cités des banlieues
D'ailleurs ceux qui les habitent n'ont plus de langage
Ils toussotent par le canon de leurs armes automatiques
Crachent du fer contre les convoyeurs de fonds
Et eux ne tiennent plus ni à la mort ni à la vie
Car ils ont oublié à quoi pouvaient servir les mots
Indispensables cependant à l'une comme à l'autre