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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 09:42



32. Nocturne du précurseur sombre



Au ciel assombri ce soir je cherche vainement

Mon Étoile

(Y en eut-il jamais une ? Aucun astronome

En tout cas n'a pu me la montrer ! J'ai su où était

La Porte des Hommes, et le Lynx, et l'Hydre, et le Lion,

Les Gémeaux, Al Tarf et Acubens, le Petit Chien,

Mais pour moi, rien d'autre qu'un océan de vide obscur !)



Seule la Lune avec sa face de chinoise

Énigmatique et attristée

Incline vers la terre son regard compatissant

Et comme Patachou dans l'histoire de mon enfance

Je fais semblant de croire

Que ce regard est pour moi et que l'astre argenté a le souci

De m'accompagner partout



Ce qui déclenche par moments dans les feuillages proches

De murmurants frissons de sollicitude

On dirait quelque berceuse aux paroles oubliées

(On se sent moins abandonné, dans l'amitié des arbres!)



Ce soir au ciel assombri

Vainement je cherche mon Étoile

Une étincelle... Un clignement infime au bord de l'infini

Froides comme après la ciguë mes jambes tremblent

A cause de ma quête une angoisse monte de la terre et m'envahit :

Un genre de « précurseur sombre » analogue à celui qui se prépare à rencontrer

La foudre étincelante

Après laquelle toute nuit s'avère encore plus dense

Plus effrayante et – je le sais ! - plus absolue.







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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 09:08


31. Nocturne du soleil disparu



Il se fait tard

La tasse est encore à-demi pleine

L'ami n'a pas bu son café

Il est parti depuis longtemps à ses affaires

Fatigué de mon âme compliquée



Nous avons parlé des temps anciens

C'est un homme plein de force et capable d'être joyeux

Moi non

Comment être léger et gai lorsqu'on a passé la journée

À évoquer l'aura d'ombre qu'a projetée

Sur nos vies un grand soleil disparu



Un moucheron qui se débat dans ce café

Noir comme du goudron

Voilà ce que tu es ! Voilà

Ce à quoi tu ressembles tapi au fond de ta nuit

À tourner et retourner rouge et sans issue

Tel un astre crépusculaire l'oeuf de ta mémoire

Qui n'éclora jamais plus



Faiblement luisent les meubles et plus loin

Le bras de bronze à la main ouverte

De l'Astragalizonte



Elle vient de jeter les osselets

Qui sont là, quelque part, invisibles dans la pénombre

A la manière de la mort



Tu scrutes l'espace opaque de la chambre

Rongé par d'impalpables fourmis noires

Tout ce qui semblait dans le jour avoir de rassurantes limites

Les perd aux frontières du sommeil

Où le Temps prêt à tout engloutir bâille en ouvrant

Une gueule de poisson mort

Rejeté par la vague sur le littoral

D'un pays dont l'on t'a pour toujours exilé.







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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 19:38




30. Nocturne de la pluie sans fin



L'Astragalizonte dorée en chlamyde de bronze

A la fois souriante et sérieuse et triste comme ma joie

Va disparaître sitôt que j'aurai cliqué la poire

De la veilleuse

Le joueur de flûte noir et l'ocarina chinois aussi

Je resterai dans le lit crispé obscur et froid comme une statue

Tombée de son socle expérimente une existence de gisant

Quelque chose d'analogue à une crampe qui saisit le corps entier

Et le rend aussi dur qu'une pierre inerte



De la nuit, j'en entends pleuvoir dans la nuit

Elle flagelle la pierre en faisant ce bruit d'impatience

Ou de cavalcade de doigts sur le bord de la table au moment

Où le prochain vers encor trouble tarde à s'élucider

J'imagine là-bas les gouttes qui s'écrasent sur la dalle où sont

Gravés les noms de mes parents avec la stèle aux fleurs de pavot



Quelques gouttes transparentes - les grains de blé dans la poussière

Du caveau gardé par le grand chien d'or au museau noir

Quelques gouttes transparentes – la nuit sans commencement

Ni fin dont le silence vibre jusqu'au fond de l'univers



Où rôdent les milliers d'années lumière dont ma vie n'aura été

Que l'équivalent de quelques photons

Et celle de l'humanité le flash d'un appareil photographique

Sur un globe de glaise aveugle et sourd.



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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 18:32



29. Nocturne de la Belle au Bois dormant



Pour qui écrire À qui, ces poèmes qui s'enfoncent dans la nuit

Tracés par une main à demi-endormie dans le cercle

D'une lampe de poche clarteuse

Sur ce carnet qui t'accompagne de ses gribouillages

Comme si tu longeais un mur couvert de graffitis



Où que tu les publies – Éditeur fameux ou forum confidentiel du Net -

Ils ne résonnent que d'échos de mort au fond des nuits désertes

Tu penses avec désespoir à celle que tu aimes et qui dort tout près

A cette minuscule forge régulière de ses lèvres

Dont le souffle t'attise le cœur jusqu'à l'incendie

L'idée d'un jour ne plus l'entendre en vérité te terrifie



Pour lutter contre cet avenir tu multiplies les poèmes

Tes vers médiocres voudraient s'égaler à la Muse dont tu es épris

Une sorte de perfection existe – doit exister – au bout des ténèbres

La lumière de l'outre-noir Une sorte de cierge gigantesque

Qui éclaire le cercueil où gisent tes souvenirs



Une aurore qui tombe sur la forêt endormie

Touche les pointes rouges où faseyent les longs oriflammes

Comme s'ils indiquaient la direction par où franchir

L'invisible mur puis la poterne du château des millions d'années

Où réveiller pour toujours la Belle au Bois dormant



 





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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 08:22



                 28.  Nocturne du 12/07/1969

 

 

À vol d'oiseau l'océan rongeait son frein à trois cents mètres

 

On l'entendait nettement renâcler dans la nuit comme un brontosaure invisible

Derrière les maisons sous le grand clair de lune acagnardées



La fenêtre ouverte laissait voir à la lumière de la chambre

Les cédrats dans le noir astres acides et jaunes

Qu'une branche curieuse approchait pour d'un peu de fraîcheur



Éclairer le poème que je griffonnais à mon bureau



Inspiré du parfum ambré des daturas dont pendaient

Les cloches blanches qui par accords pénétrants déployaient

Leur muette harmonie jusqu'au fond des ténèbres

J'en voyais dans les airs le silence sinuer telle une aurore boréale



Avec son cortège de rêve et la note d'encens qui toujours accompagne

Les mystères de l'univers



Et je pensais qu'au même instant cerné d'un sol couleur de cendre

Que nul encor n'avait jamais foulé

En regardant à l'horizon se lever le clair de Terre

L'Homme était en train de faire ses premiers

Pas sur la Lune





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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 13:18



 

27. Nocturne d'Achille

 


 

 

Sa casquette bleue de pêcheur sur la tête, il m'est apparu

Dans la nuit tel qu'à l'île d'Andros : « Tu dors, Achille, et tu m'oublies... »

Dit-il. « Pourtant tu dois le garder, ce trésor caché dans la cella secrète

Du temple construit de nos mains au prix de tant de peines...

Et du t'apprêtais étourdiment à y laisser entrer les Achéens ?

Les mêmes qui par ruse ont incendié Ilion et laissé

Les Turcs l'appeler Hissarlik ? Les mêmes qui ont fui

Smyrne et perdu l'Aghia Sophia où l'on entend gronder avec aigreur

le muezzin ? Et tu prétends que tu serais « fils de la Grèce » ?... »



La voix était si grave qu'elle m'a fait jaillir de mon sommeil

Assis brusquement sur mon lit le cœur battant

J'ai sondé les ténèbres du regard Personne

Et la voix dans ma tête résonnait encore : « Tu dors, Achille,

Et tu m'oublies... Moi qui te disais que je t'aimais lorsque j'avais déjà

Un pied dans la tombe ! » Il avait rajusté sa casquette usée

S'était retourné d'un bloc et enfoncé dans la noirceur de jais

De ténèbres épaisses comme un rideau ou comme une chevelure



A l'extérieur on entendait siffler ainsi que des serpents

Les véhicules qui passaient dans la rue et s'éloignaient

Quatre heures du matin Dans la maison silencieuse

J'ai allumé une veilleuse rouge

Qui donnait à la chambre une clarté de chapelle



Et j'ai relu en pleurant tout le courrier qu'Ulysse m'avait envoyé

Au cours de son mortel périple.





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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 12:10



               26.  Nocturne du chaos



Trahi par la réalité au cœur de cette nuit profondément déserte

Que seul tu ressens comme illuminée

Tu réponds de tous tes poèmes à l'illusion du monde

À la feinte de l'explicable À la forfanterie de tous ces savants

Dupes d'eux-mêmes qui prétendent avoir résolu des énigmes

Et par autosuggestion s'encouragent à penser qu'ils vont connaître

Demain ou plus tard les secrets du fonctionnement insensé de l'univers



Ce qu'enseigne la nuit, c'est qu'on peut tant qu'on veut jeter

La lumière la plus crue au-milieu des ténèbres

Faire apparaître un instant une chose puis une autre en général

Ininterprétables et déboutant nos efforts pour leur conférer une

Quelconque signification ou se persuader de la logique des dieux

Ou des « lois » scientifiques



On peut tant qu'on veut mettre une vie entière d'énergie

À dissiper l'inéclairci À souffler à travers le brouillard comme si

Sa poussière liquidé était du kérosène et pouvait s'allumer

D'un coup dans une immense explosion d'intellection cosmique

Comme si l'intelligence pouvait demeurer au cœur du sens

Plus longtemps qu'une main sur la plaque à blanc de la cuisinière



Fadaises que tout cela Les plus beaux échafaudages de «vérités»

Bouddha Jésus Platon Mohamed et tous les autres

Comme a dit un poète invariablement

Aboutissent à ce que nos merveilleux édifices de pensée

Soient chaque fois reconduits à l'Inéclaircissable





 

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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 10:15


     25.   Nocturne de la Solitude Irrémédiable



À ton âge il n'est plus temps au cocon de l'Obscur

De vouloir autre chose que te réfugier dans ta solitude

Le fil de soie autour de toi enroulé devient si complexe

Qu'il ne vaut pas de le briser pour t'échapper sous forme de paon du jour !



Tu es de ceux qui dans la nuit regardent filer dans la plaine

Les grands trains illuminés ou traverser le ciel vers d'autres continents

Des avions encore étincelants dans le soleil alors que sur terre

Depuis longtemps déjà on n'y voit plus à un mètre devant soi



Passez passez étoiles ! Rayez le ciel de vos blessures métalliques

Percez l'infini de vos lumières sidérales

Tremblantes je vous regarde en tremblant

Poète je ne puis échapper à la terre et à sa matière sombre

Que ne traverse aucune idée aucun sentiment et que mes mots

Ne font qu'effleurer extérieurement ainsi que les fantômes

De ceux qu'on a aimés lorsqu'ils tendent leurs mains suppliantes

Vers notre cœur et traversent notre poitrine

Sans que l'on n'éprouve aucun toucher dans notre chair



Oui, tu es vraiment « ...comme la lune » et nul ne peut comprendre

Cette solitude autour de toi serrée et resserrée autant que toile d'araignée

Autour d'un insecte mourant qui serait l'épeire elle-même

Cette solitude que l'amitié la plus intense ou l'amour le plus brûlant

Ne sauraient désormais consumer



Et qui te laisse suspendu dans la nuit englué parmi les divers

Fils embrouillés de tes rèves dont plus aucun de toutes façons

- Tu le sais et tu y consens - ne te mènerait nulle part







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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 09:38

              

 

24. Nocturne du changement

                                                       

                                                 à mon ami D. Davvetas



Le temps de la nuit est aussi celui du courage de faire

Volte-face lorsqu'on s'est fourvoyé dans le jour

Qui vient de s'écouler et qu'on refuse que demain

A g g r a v e  notre erreur



Déchirements et révisions douloureuses dans l'entre-sommeils

Ce qu'on veut dire sans doute avec « la nuit porte conseil »

Pour ma part j'écoute mes nuits mais je ne les entends

Souvent que trop tard : difficile alors de freiner des quatre fers

Quelle chance de réussir à s'arrêter juste au bord du gouffre

Béant au lieu d'y tomber ce qui arrive neuf fois sur dix

Lorsqu'on s'est laissé aller, à cause d'un paysage riant

D'un ami chaleureux et flatteur, d'un instant de bonne humeur

A choisir étourdiment au carrefour la plus mauvaise de deux routes



C'est pourquoi mes nuits sont difficiles

Il me faut stopper Renoncer aux ravissants paysages

Laisser continuer seul un ami qu'on aimait

Retourner à la tristesse du juste chemin quotidien

Refuser de croire que soudain le beau rêve pourrait n'être plus un rêve



Car un rêve si beau soit-il ne peut quitter sa splendeur nocturne

Qu'au prix de se changer en  h o r r i b l e  réalité

 

 

 


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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 15:32



23. Nocturne des jeunes filles



A la faveur du noir l'enfer se déversait en paradis et vice-versa

Le sommeil a parfois ce galbe de rêves et ce vernis de terre verte

Qui lui donnent entre hier et demain des airs de vase-communicant



L'été couvait d'une aile de feu les bois de chênes vert

Les oliviers en contrebas et de l'autre côté de la vallée

Les maisons claires de plusieurs villages perchés au pied des baous

Dressés au fond de l'azur comme orgues sous le vitrail d'une église



Sans doute étais-je sorti de l'épaisse nuit qui tout avait enseveli

Sous son silence par la porte lumineuse

Du songe car jouant de la flûte j'arrivais à la croisée des chemins

Et tandis qu'en jouant je contemplais le paysage tiède et parfumé

Deux jeunes filles l'une brune l'autre blonde presque nues

Les traits purs comme ceux des anges sont venues

M'offrir un verre de vin clair la main droite tendue



Nous avons parlé dans une langue mystérieuse

Grec ancien peut-être ou vieil allemand

Je me souviens d'avoir bu et de m'être ensuite

Engueulé avec un vieillard qui ressemblait tout à fait à Charon

Il grommelait qu'on lui avait volé sa barque



Avec un doux sourire espiègle et un baiser les deux filles ont disparu

Je me suis retrouvé beaucoup plus tard dans l'ombre épaisse de la nuit

Mes oreilles résonnant encore d'un psaume assourdi

Qu'accompagnaient de leur tonnerre les grandes orgues du sang

Rugissant à travers les artères de mon corps

Mon corps qui n'a rien oublié.



 

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