27. Nocturne d'Achille
Sa casquette bleue de pêcheur sur la tête, il m'est apparu
Dans la nuit tel qu'à l'île d'Andros : « Tu dors, Achille, et tu m'oublies... »
Dit-il. « Pourtant tu dois le garder, ce trésor caché dans la cella secrète
Du temple construit de nos mains au prix de tant de peines...
Et du t'apprêtais étourdiment à y laisser entrer les Achéens ?
Les mêmes qui par ruse ont incendié Ilion et laissé
Les Turcs l'appeler Hissarlik ? Les mêmes qui ont fui
Smyrne et perdu l'Aghia Sophia où l'on entend gronder avec aigreur
le muezzin ? Et tu prétends que tu serais « fils de la Grèce » ?... »
La voix était si grave qu'elle m'a fait jaillir de mon sommeil
Assis brusquement sur mon lit le cœur battant
J'ai sondé les ténèbres du regard Personne
Et la voix dans ma tête résonnait encore : « Tu dors, Achille,
Et tu m'oublies... Moi qui te disais que je t'aimais lorsque j'avais déjà
Un pied dans la tombe ! » Il avait rajusté sa casquette usée
S'était retourné d'un bloc et enfoncé dans la noirceur de jais
De ténèbres épaisses comme un rideau ou comme une chevelure
A l'extérieur on entendait siffler ainsi que des serpents
Les véhicules qui passaient dans la rue et s'éloignaient
Quatre heures du matin Dans la maison silencieuse
J'ai allumé une veilleuse rouge
Qui donnait à la chambre une clarté de chapelle
Et j'ai relu en pleurant tout le courrier qu'Ulysse m'avait envoyé
Au cours de son mortel périple.