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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 12:06

                                               Odyssée 10

 

 

Ah ! Combien les ports sont à la fois enchanteurs et trompeurs !        Après des jours de lente solitude voici que le relief d’un continent s’est profilé au ras des flots     Quoique sachant fort bien qu’il n’était pas         ce rivage que tu cherchais        mais seulement une contrée exotique avec un idiome et des coutumes        qui seraient difficiles à comprendre         N’importe

 

La fatigue d’avoir tant duré dans l’éblouissante lumière       en n’ayant eu pour dialoguer que le claquement de la voile, le friselis de la vague et les cris lancinants des mouettes        te poussa malgré tes réticences à t’en approcher pour y faire relâche         Désormais à bâbord et tribord tu pouvais voir de plus en plus de navires converger vers ce môle        qu’un phare au bout d’une longue jetée        bornait prétentieux comme un phallus dressé

 

Les quais grouillaient d’une population bruyante et colorée       les uns déchargeant des ballots énormes qui faisaient saillir leurs biceps luisants         d’autres un bac de poissons dans les bras criant à qui le leur achèterait       Des femmes vêtues d’oripeaux divers négociaient avec de grands gestes        pour finir un éclair glissait dans leur panier tandis qu’on devinait qu’une poignée de vieux billets avait changé de mains

 

Debout près de ton mât       t’étant laissé distraire par le va et vient bigarré de la foule       tu faillis être culbuté par-dessus bord quand ton étrave heurta le quai        à l’endroit précis que tu visais         où l’on voyait devant un large emplacement vacant       une rangée d’anneaux de fer suspendus à la paroi

 

Rapidement tu nouas un bout dans le plus proche      avant que la coque ne recule       Après deux ou trois mouvement pour assouplir ton corps ankylosé       tu sautas sur le quai        juste au moment où arrivait un homme en uniforme défraîchi       qui réclama en pidgin quelques piécettes        pour t’autoriser à laisser ton bateau à cet endroit

 

Autour de la place du port une suite de tavernes aux enseignes rouges ou vertes        avec des portes peintes en bois bleu       proposaient sur des panneaux des menus écrits à la craie        selon les lignes contournées d’une langue qui te parut fort décorative

 

Entré dans la première venue       ombre fraîche et ventilateurs gémissant au plafond       tu t’assis nonchalamment et t’exprimant surtout avec les mains        tu obtins du patron qu’il te serve un plat indéfinissable        assorti d’une boisson au goût amer        Depuis longtemps tu ne t’étais pas senti aussi bien à ton aise !

 

Après avoir sympathisé avec les indigènes au bout de quelques temps      tu envisageais de renoncer à ta quête absurde     et de prendre ici tes quartiers pour toujours       lorsqu’un grand sentiment de vide        à l’improviste commença dans ton cœur à réveiller les échos       de plus en plus impérieux de – comme on dit – « l’appel du large »

 

Et quelques jours après       n’y tenant plus      tu reprenais la mer       reprenant avec elle ta solitude       et cet espace de rêve infini qu’on nomme l’horizon.  

 

 

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