10.
Si le trajet mystérieux de l’amour va du printemps d’argent durant lequel la Muse vous embrasse follement au grand dam de tous ceux qui n’ont pas un coeur de poète - Oh, ces pleines lunes aux senteurs entêtantes de jasmin, de datura, où s’offrait
L’unique Lis Immaculé, celui qui se referme aux premiers rayons de l’aurore à l’instar de la fleur magique du nopal ! - vers la chute
Je me demande quelque fois s’il ne faudrait pas préférer l’automne d’or, malgré ses teintes d’ecchymose et de blessure, insidieusement accumulées, dont le sang se r’ouvre si facilement et envahit pour un moment le paysage à la façon de ce terrible voile de colère
Qui troubla le regard blanc du criminel à l’instant de son crime, et par la suite l’a laissé face à l’Inexplicable, aussi désemparé que l’enfant qui aurait, de rage, cassé le jouet auquel il tenait le plus !
Tant est puissante la sagesse qu’on appelle “nostalgie” qu’elle donne du sens même aux chemins qui semblaient n’en avoir aucun !
La promenade parmi les arbres dorés - la promenade de la vie ! - devient ce genre d’expérience insolite où non seulement tout nous parle à travers le chuchotis des feuillages qu’un souffle d’oxygène froisse
Mais où l’on entre au plus intime du vivant, - nous voici mouette ou rossignol, mer avec ses dauphins, soleil sur les écumes, gibier qui grogne dans sa bauge, ou nuage au coeur de la brise qui farfouille dans les hautes herbes, sur la crête des montagnes, pour trouver ce qu’elle n’a jamais perdu -
Et parcourant cette sorte de nouveau versant des choses que l’homme de la rue appellera “vieillir” avec une once de mépris, on s’émerveille
De retrouver intacte partout la pellicule de reflets bleutés que l’on croyait à jamais disparue et qui pleuvait sur notre enfance, avec la lumière du ciel éparpillée au gré des touffes de lavande.