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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 04:44

Moire

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Il y aurait l'esquisse d'une complainte qui ne serait audible que dans le silence des nuits. Masquée par la clarté, par les rumeurs du jour, elle surfile la doublure de nos vies.

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Il me revient le g!oussement de l'Argens glissant près de la rive aux carpes, d'où j'allais parfois vers l'amont, aux soirs de grande détresse, chercher réconfort auprès de la pleine lune, traversée d'oies sauvages comme dans une estampe d'Hiroshigué.

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Ah ! Les chagrins adolescents des amours perdues ! Les regrets de nos promenades à travers les vignes de l'été, et ces instants où les grappes acides, grain à grain craquaient, jeune fille, entre les perles cruelles de tes dents froides.

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Tant en aurai-je écrit que les charmes en sont éventés : la texture du poème a passé comme à force de soleil s'éteignent les teintes vives des nappes aux motifs provençaux de nos grand'mères. Ce sera un univers qui va retrouver avec ma disparition son indifférente virginité.

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C'est l'amour qui se dissipe en un ultime baiser. C'est l'éphémère qui d'épuisement tombe sur la nappe de l'étang, qu'agitent les couteaux de lumière d'une brise gitane. C'est l'étoile engluée dans le filet de l'aube, moucheron brillant que va dévorer l'épeire solaire.

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C'est mon moi falot, ma vieille petite âme qui s'attarde en ce monde quand tant d'autres sont parties, que mon amour était trop chétif pour retenir. Et je conserve leur mémoire et leurs pensées à la façon de ces roses depuis longtemps desséchées dans leur vase, dont les tiges macèrent dans une eau croupie, devenue puante et amère, mais qu'on n'a pas le cœur de jeter parce qu'elles sont l'offrande d'une ancienne soirée de fête.

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Car je vis dans une sphère mentale semblable à une passoire, un monde où rien n'est encore clos.

 

 

 

 

 

 

Parias de l'insensé

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C'était ça l'univers : un même site inconnaissable – ou quasiment – pour tous, et pour chacun une réalité différente, que les plus naïvement optimistes s'acharnent en dépit d'obstacles variés à vouloir partager.

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Tels sont les poètes, les artistes, nouveaux-nés demeurés, toujours à montrer de grands yeux étonnés devant le don de l'existence indéfiniment renouvelé jusqu'à ce que mystérieusement le cycle prenne fin sans véritable indice qui permette d'en anticiper la borne.

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Pour l'individu en train d'écrire ici, la splendeur s'est depuis les premiers moments faite multiforme. Du regard de sollicitude d'une jeune mère, à la neige qui s'élance au flanc d'un pan de montagne et va casser dans l'azur.

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Du geai aux plumes bleu-blanc qu'on regarde broder l'été d'arbre en arbre, au jet qui enfile les nuages d'une trajectoire de rêve avec un lointain bourdonnement, venimeux comme celui d'un frelon qu'on aurait expulsé de sa cachette sous le toit.

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Et toujours on triture la langue, (ou la musique, ou la peinture) afin de la transformer en hublot qui permette au passager curieux d'apercevoir un peu de ce magnétisme des choses et des êtres vivants – qui nous stupéfie.

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Par exemple, que dire de l'aérienne profusion des hautes herbes que bambins nous piétinions et dont nous mâchonnions les noeuds sucrés pour qu'il s'en exhale un parfum d'espoir et de menthe ? Et de la poire qui fond en délices ? Et des myrtilles touffues au goût de nature et d'encre ?

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Un innocent soleil pourra bien inonder nos pages, nos fresques, nos symphonies, nous n'en paraîtrons pas moins abonnés à l'Absurde aux yeux de nos contemporains qui, eux, ont su d'habitudes et d'ennui - qu'ils prennent pour vérité – se calfater le coeur.

 

 

 

 

 

 

 

           

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Broderie sept-zéro

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Peut-être dans l'avenir, y en aura-t-il quelques uns pour se bercer un moment de tes poèmes.

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Ils redisent, certes, le même indéfini radotage doré, enfants d'une alchimie toujours, comme la mer de Valéry, recommencée.

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S'y déploient, verts comme aurores boréales, les mêmes sentiments simples qui sont les seuls que tu saches éprouver, mon indigent cerveau !

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Une sorte de vague sagesse y remplace la douleur jadis tellement aiguë de ton incapacité à vivre, du moins de la façon que le mot vivre faisait lever dans ton imagination.

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Seras-tu classé dans la bavards ridicules par la foule ? C'est probable. Tu auras déployé un monde chatoyant comme la queue d'un paon, mais fragile comme l'est le papier !

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C'est le feu du «logos» qui aura consumé ta vie, telle une longue phrase dont la braise – ainsi qu'au bout d'un cordon Bickford – s'achemine vers sa fin explosive, programmée.

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De sorte qu'après avoir dix fois sept fois longé le bord des choses, réduit en poudre tu te dissémines au sein du chaos comme, après avoir longé le littoral, l'écume retourne à la mer.

 

 

 

 

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Extinction

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Que le poème soit un dédale de mots à ciel ouvert, dont on ne puisse sortir que par la hauteur ! Agrafons-nous des ailes mentales, conscients que notre destin sera celui d'Icare... À tout le moins pourtant nous aurons connu l'éther sec et caressé le lumineux pelage des Idées, ces astres de la pensée.

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Certaines filent leurs rails de feu comme des Perséïdes et disparaissent, en laissant dans la bouche un goût de fer et de sang. D'autres dansent sur place avec persévérance en miroitant d'une clarté bleue, jusqu'à ce que nos yeux en soient hypnotisés et qu'un spectre cramoisi s'imprime sur nos rétines éblouies.

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Qu'il ait profil de section conique, abat-jour de lampe ou Fuji-Yama, toujours c'est l'altitude qui se trouve désignée ou qui nous convoque. Car la langue est la stratosphère qui surplombe le réel, et son unicité teintée d'outremer fait paraître surréaliste ce puzzle chaotique de l'ici-bas que nous chiffrons pour le déchiffrer.

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Le plus étrange est que l'on ne sait qui parle, que ce soit l'écho d'ondes anciennes, retour de l'horizon de nos tendres années, ou la cataracte mauve et de plus en plus rapide d'aujourd'hui. Juste un froissement de papier-nuage qui s'enflamme en inquiétant la pie postée sur la branche ultime du crépuscule. Puis la nuit.

 

 

 

 

 

 

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Rigueur

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Au-dessus du caveau où sont les os de ma famille, rôdent les brumes orphelines.

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Lorsqu'on tient une vérité, même si rien en nous ne lui correspond, il ne faut pas la craindre.

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Quand ce qu'on juge vrai, malgré le scepticisme critique, se confond avec l'évidence, tandis qu'alentour les discours sont babillage, alors l'esprit fait un pas en avant.

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Quand le poème acclimate un peu de vérité, le lisant on a envie de crier : oui, oui, c'est cela !

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Le poète est homme de solitude, mais sa solitude n'est pas triste : elle est désespérée.

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La joie est soeur de l'inconscience et de l'insouciance. La grâce est une sorte de joie plus haute qui disqualifie la question du bonheur.

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Où je suis, la dalle est si étroite, que c'est un sommet sur lequel on tient difficilement à deux. Pour y parvenir, l'ascension est inhumaine au point de décourager les meilleurs…

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De ce balcon de pierre, que rien ne domine hormis les trajectoires des oiseaux, le troupeau des brumes orphelines couvre l'ossuaire des géants.

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Si tu voyais la face des pèlerins qui t'ont précédé, emmitouflés dans leur houppelande glaciale, tu cesserais instantanément de traverser la neige et t'endormirais pour toujours.

 

 

 

 

 

 

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Petit crépuscule provençal

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Errante brume qui tentes, au soir, de circonvenir le voyageur tardif, tes lèvres fraîches et ton visage d'argent lui rappellent cette fée lointaine qu'il ne rejoindra jamais.

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On entend un carillon d'air pur sonore comme les trompette du Jugement ; effarouchés les corbeaux de la tour s'envolent et circulent en tout sens en cherchant la clé de la lumière.

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Dans l'étable, à la sortie du hameau, une femme d'un soprano très clair chante un refrain inconnu, tandis que dans un seau de tôle galvanisée tintent en alternance les traits de lait des chèvres.

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On laisse aboyer un chien qui donne de la voix entre deux raclements de sa chaîne ! Si je longeais la rue entre les fermes, le petit garçon que j'apercevrais, un bâton de noisetier sculpté à la main, je le suivrais des yeux avec la curiosité qu'on se réserve à soi-même.

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Un psaume de fumées s'élèverait des toits nocturnes de l'été. Un odeur d'anis et de fenouil s'échapperait par la fenêtre entrouverte des cuisine.

À ce moment, de derrière la colline pointerait son nez une grosse pleine lune entre les pins : incapable, avec sa bouille d'obèse, de résister aux effluves de soupe que dans les chaudrons touillent les grand'mères.

                 

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Considérations inconsidérées

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Lorsqu'en dormant, changeant d'ondes cérébrales on pousse la porte du songe, on pénètre dans la perception de l'univers objectif, qui est un chaos infiniment plastique.

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Pour se confectionner une demeure aux règles vivables, les humains au cours des millénaires se sont confectionné, fixé et transmis un système de lois inconscientes qu'ils appellent la réalité.

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Cette réalité a forme d'un labyrinthe aux murs de mots cimentés par une syntaxe d'autant plus rigide que les peuples craignaient davantage le rêve, sa plasticité chaotique et irrationnelle…

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La poésie est le langage dans l'état où il ne redoute ni n'affectionne le chaos, mais rend compte spontanément de notre rencontre avec l'univers : des douleurs et joies d'un contact illégal.

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Quitter le labyrinthe, c'est survoler. L'esprit sur ses ailes de rêve surplombe de haut les murs et les lois. Parfois, coeur fragile, pour s'être approché sans précautions du laboratoire central, il retombe brutalement dans le réel, et c'est la folie. Ou la mort.

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Jeune homme tu t'es pris un moment pour Ayrton Senna, sur cette autoroute. Dans un vacarme de ferraille et un chaos de verre et de tôles enchevêtrées, tu as fini comme lui.

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Le poète ouvre à tous moments l'espace du rêve, mais comme les chats d'une certaine hauteur, il retombe généralement sur ses pattes. On aurait tort de le confondre avec un savant Cosinus.

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D'où parle notre poème ? On ne sera pas surpris que ce soit d'un point de vue surplombant, d'une altitude d'où l'on aperçoit la surface des choses sous forme de miroir métamorphosant, constamment s'écoulant vers l'océan du passé.

Malgré les photos et les films que j'ai conservés d'Hier, il faut bien avouer qu'aussi profondément que je les scrute, je suis incapable de déterminer vraiment ce qui a eu lieu.

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Je regarde. Je traverse la rue. Je vais acheter mon pain. Je parle à la boulangère. Je sens le trottoir sous mon pied. L'odeur d'urine au recoin de la place. Et pourtant, impossible de voir et de savoir.

 

 

 

 

 

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Pâleur de cendre

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Mâchant des grains secs de quinoa

je constate que mon esprit erre vaguement

autour de l'image de Cesar Vallejo, de la dalle

où est gravé : J'ai tant neigé pour que tu dormes...

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Homme de grand coeur et de grand aveuglement

Homme lucide qui souffrait « tout simplement »

en des temps où l'on pouvait encore caresser

l'espoir neuf de mettre fin à la misère des humains

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Des grains de quinoa recueillis de grappes violettes

et qui comme du sable innombrables et salés

craquent secs sous la dent Ainsi voudrais-je

tout en songeant à la tête noble de César Vallejo

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que craquent les vocables naïfs et lucides du poème

De mon poème à moi si malhabile à toucher à l'humain

Si fragile sur le papier vierge d'espérances

Si peu apte à brasiller comme celui de Cesar Vallejo

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sur une mort quotidienne à la pâleur de cendre.

 

 

 

 

 

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Communion sauvage

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Musiques des rauques roseaux qui m'emportez

aux régions de l'Acuncagua et du Chimborazo,

au fond de mon imagination danse un enfant

qui vous écoute gardant ses vigognes doucesUntitled 2

face aux neiges éternelles qui écrasent l'horizon

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Une fragile aventure de guitares se hasarde parmi

la débandade des échos et le dédale des ruines

aux blocs énormes ajustés en l'honneur du soleil

Un village misérable allie pauvreté et grandeur

au-dessus des foisonnements d'alfa du plateau

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Un peu des anciennes âmes qui l'habitent m'a été

transfusé par les tubes de la syrinx ou de la kena

Parfois la véritable révolte est de ne pas renoncer

jamais aux legs de l'humanité issus de ces âges

qu'un rêveur, mon aîné, qualifia de « farouches » !

 

 

 

 

 

 

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Un jour...

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Un jour quand je serai tout au bout de mes peines

je reviendrai - comme le saumon – où je suis né !

Je quitterai les gens d'ici, le souvenir de mes amours mortes,

un jour quand je serait tout au bout de mes peines

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Il y aura l'ancienne fontaine avec les reflets d'autrefois,

sous le tilleul où l'on entend roucouler de l'aube au soir

les petites colombes roses dont les feuilles sont amoureuses,

Il y aura la vieille église et le monuments aux morts…

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Il y aura les spectres de mes parents, couleur de larmes,

dans les rues du village où j'errerai pour comparer le présent

au passé, ici habitait la vieille dont je portais le panier

au retour du marché, ici le fleuriste disparu après l'inondation,

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Partout le bleu presque noir du ciel et la rauchaison

empanachée de nacre du ressac engorgé de pierres sombres

que contemplent du haut des calanques pourpres les pins verts

et quelques oliviers déjà séculaires lorsque je suis né.

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Un jour, quand je serai tout au bout de mes peines,

qu'il ne me restera plus rien à raconter, à écrire, à rêver,

plus d'amis, de parents, plus d'enfants, ni personne à aimer,

je reviendrai hanter les rivages du pays où je suis né !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Passé en revue express

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Les humains, le feu – agitations d'ombres à la paroi de la caverne – esquisses élastiques qui finissent en mammouths, en aurochs, chevaux d'ocre-jaune, tigres et grands cerfs des tourbières ! - Maëlstrom de visions de nuits et d'aubes qui tardent à s'affirmer en Monde ! Astres sur des disques de cuivre bleu, que parcourent les visages de la lune…

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Il y aura des colliers d'ambre du Skagerrak et de la Baltique qui ont traversé les sauvages forêts du Nord, le fer d'Afrique et des montagnes du Taurus. - Glissements silencieux des siècles . - Mers froides occultement réchauffées, le niveau des eaux noyant les plages basses du littoral jusqu'aux premiers buissons bleus. Foyers noircis sur la falaise.

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Ensuite, les ports – le vent rebondi aux voiles carrées des nefs – les capitaines râblés aux faces d'archange que nul n'ose regarder. Écume aux bastingages, tempêtes subites - épaves pleines d'amphores – graines de naufrages. Le bois imputrescible posé sur les fonds sans oxygène, - vaisselle chinoise exquise et coffres de doublons d'or et de pièces de huit…

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D'un saut franchis, les millénaires – jusqu'aux satellites, ces Ixions en orbite à trois cent cinquante mille mètres dans le ciel. Miracles mathématiques et collisionneurs de hadrons, - Higgs et son boson prédit. - Le vieux fond d'instincts religieux se rebiffe, suicidaire, terreur à la ceinture. - Mais la technique triomphe avec une humanité qui a perdu ce qui en elle était humain.

 

 

 

 

 

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Rétrospection

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Reviennent les ans ainsi que les lames qui poussent leurs lisérés blancs jusqu'au sable des plages, sous la contemplation oppressante des monts d'un bleu de myosotis…

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Eux ne risquent pourtant pas d'être oubliés, splendides arbitres des millions d'années qui ont vu en accéléré les vivants défiler à leurs pieds telle une armée des ombres...

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Dix fois sept printemps sans avoir été foudroyé ! Les premiers sont tellement effacés dans le poudroiement sépia du passé, ainsi que des photos d'un aïeul jeune qui serait soi-même !

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Voici l'eau verte et transparente où une jeune mère flottait par magie. Voici près des alternances élastiques de noir, de vert, d'ivoire, rames délaissées, la barque garée sous les saules pleureurs.

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Un père jeune aux cheveux lisses et presque noirs discute sur la rive avec un de ses amis au torse bronzé où saillent des muscles puissants. Des mouettes passent et criardes repassent.

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Que faisait en ces lieux dits «Corzent» un enfant qui se sentait vaguement esseulé, retenu par un mal mystérieux de plonger dans l'attirante et fraîche limpidité de la nappe calme ?

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Dix fois sept printemps sans avoir jamais été assimilé ! Dès les premiers, nettement il s'éprouva grain étranger, obscur, blessant, que l'huître du monde aurait l'obligation d'enrober de son orient.

 

 

 

 

 

 

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Impalpable Polynésie

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Quel bonheur ce serait si comme le transparent Éole je pouvais dès le point du jour pousser vers l'infini de lumineux cirrus de poésie ! Les oiseaux, l'œil doré, les consulteraient pour mesurer les intentions des météores. Penchés vers le sol, les oliviers feraient saillir leurs muscles de bois en se retournant vers le ciel pour y déchiffrer les déchirures de mes vapeurs silencieuses…

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Ce seraient cartes et portulans où l'azur cernerait les rivages efflorescents d'îles et de continents futurs ! Une candeur anisée, rémanence d'une enfance, y dessinerait monts et vaux, assortis de tout un zodiaque sous forme de parc fourmillant de cent variétés d'animaux improbables. Savanes de foins blancs, frondaisons nacrées au coeur desquelles se terrent les séraphins !

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Eussé-je neuf ailes que j'aurais aussi pris mon essor vers ces océans pacifiques d'un bleu royal, pour y glisser d'un plan transparent à l'autre, déployé ainsi qu'un soleil ! Je ferais pleuvoir des millions de lettres couleur feu qui mollement descendraient d'en-haut comme s'éparpillaient les duvets de nos batailles d'oreillers lors de l'exubérant réveil de nos premiers jours de vacances.

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Impalpable Polynésie de mes poèmes, que de joie ce serait d'assister à tes périples et tes dérives, à travers les cieux d'âmes idéales, et les courants souverains du temps ! Témoins anticipateurs des soubresauts de l'humanité, de sa multiple chair plus souvent martyrisée qu'enchantée, de ses illusoires voluptés et de ses réelles souffrances, ô mes poèmes, vous seriez divins !

 

 

 

 

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Ezra Flynn croît...

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Ezra, changeant de jour en jour – imprévisibles métamorphoses !

Un jour tu ressembles à ta mère, un autre à ta grand'mère

Puis c'est ton père qui transparaît sur tes traits qui vont s'affirmant

puis ton arrière-grand-père paternel puis ton grand-père maternel

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Et bien sûr ça va changer, changer encore comme si tu récapitulais

quelques générations de tes ascendants sans consentir à décider

Et quand enfin après des années ta personnalité commencera

sur tes traits d'homme à se fixer, j'ignorerai laquelle évidemment

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Car il est fort probable que brumeux fantôme sans os j'errerai

par les Champs-Elysées des Hellènes peut-être devisant avec

l'Ulysse de Maria Nefeli, ou Joë Bousquet l'ange foudroyé,

ou tel autre de mes amis encore en vie dont je n'ose risquer le nom !

 

 

 

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Le silence étoilé du hérisson

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Silence froid silence à mes oreilles infirmes

des étoiles qui communiquent par des trajectoires inouïes -

de toi l'habité-de-lumière-noire je me suis inspiré

feignant d'entendre les guitares d'une fête

à moi parvenues d'une galaxie infiniment lointaine

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Comment vivre sur cette boule ronde qu'un invisible

bousier roule à travers l'espace – sinon en faisant

semblant qu'on regarde les choses à travers le prisme

de cristal d'une enfance qui leur rend un peu de cohérence ?

C'est la chaleur de la maison lors des hivers de jadis

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le poêle de fonte dont les disques rougissaient

sous le gros cul luisant de la bouilloire

incapable de ne pas buzzer et babiller

en zozotant de son chapeau d'aluminium

alors qu'elle n'avait rien à faire excepté de siffler du bec

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ainsi qu'une petite locomotive au moment critique

de son arrivée en gare - Bien entendu j'évoque ici

- comme d'habitude – l'inimaginable d'une époque

que les moins d'un demi-siècle ne peuvent pas connaître

Ce temps où j'ai couché auprès de moi le mistral

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dans notre cabane en haut du platane à Cabriès

Ce temps où les pêches offraient le velours de leurs

multiples baisers roses chez le cousin de mes parents

Ce temps aussi où j'avais rendez-vous de taciturnité

avec le hérisson radieux sous la haie d'un jardin disparu...

 

 

 

 

 

 

 

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Cassandre

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Au bord de l'anima,en marge de ce que je pourrais appeler ma propre âme

je me tiens comme au bord d'un gouffre aux perspectives de vertige

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Ce qui se passe ressemble à un engloutissement de ce qui fut monde

(le mien j'entends) par chute dans un puits à l'incommensurable noirceur

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Même l'effrayant vacarme originel se fait de plus en plus assourdi

encotonné en un cocon de songes engourdis et d'assoupissements vagues

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C'est qu'à l'évidence même si la durée d'une heure à ma montre est identique

pour tous - mon temps n'est plus le vôtre et les jours défilent en accéléré

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Chaque heure que je vis est l'abîme où basculent toutes les heures

que je n'ai pas su vivre – comme si né sur le bord de la route j'assistais

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au merveilleux cortège qui défile sous mes yeux sans que j'aie pu

y prendre part Moi bipède incertain qui ne connais vraiment que le parfum

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d'absence de la solitude et qui tel un paralytique dois assister inerte

à toutes les horreurs et injustices de l'univers passé présent ou à venir

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Souvenir d'un poète Tchèque

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Souvent je relis les poèmes de mon ami lointain Petr Kràl qui me parle de sa vie privée

avec une richesse inépuisable

comme personne

Je relis aussi d'autres poètes que je n'ai pas toujours connus

dont j'admire la façon authentique et virtuose avec laquelle ils nous parlent du « monde »

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Petr Kràl est de ceux - ma foi - qui m'étonnent le plus

Il écrit une langue qui n'est pas sa maternelle et c'est un de rares pourtant

chez qui cela ne se sent pas vraiment Rien dans ses poèmes

ne fait obstacle à la transparence poétique

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Je le crois à Prague à présent J'y ai connu le Printemps

que lui a photographié pour un livre de souvenirs que j'ai conservé

Comme je comprends qu'il soit retourné dans sa ville

l'éclairage des longues ombres d'après-midi dans les rues irradie

une nostalgie d'une densité rare et quasi-musicale

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Oui quel poète ! Et comme lui savait parler admirablement du monde !

Ce n'est pas un cœur sec comme moi

qui n'ai aucune connaissance des choses et me tiens le poing

levé en direction d'un ciel indifférent

comme un vieux sarment de vigne à l'approche de l'hiver...

 

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