L'un en deux
Pour A.
Le jours s'enfuient avec leurs soleils défleuris
comme des chrysanthèmes sur les tombes de l'été.
Ici, le jour de ton baiser. Ici, la mort de ma mère.
Là, le retour d'un ami qu'on avait cru perdu.
Ici à gauche du cyprès, cette pierre blanche
avec au-dessus d'elle une auréole bleu turquoise
proche et lointain comme le paradis, c'est l'endroit
où sommeille à jamais notre Premier Regard :
intact, androgyne, d'une jeunesse inaltérable,
tel un Antinoüs dans sa châsse de cristal.
C'est de lui que toute chose quotidienne tire
son azur. Que fuient les jours et les semaines,
qu'ici ou là défleurissent les Chrysanthèmes
lorsque novembre embrume et glace les fenêtres,
n'en ayons point souci ; ni des années passées
ni des amours anciennes,
dont un poète a dit
que jamais elles ne reviennent ! Sous la pierre
transparente, il irradie, androgyne, éternel,
avec nos deux mémoires pour unique sanctuaire,
notre Premier Regard, avec son bleu couleur de ciel !