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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 13:29

 

 

Refondation quotidienne

 

Chaque matin dans la laideur du monde, ébouriffé tu déboules depuis ce qui te semble quasiment un millénaire. Stupéfiante, cette aptitude des gens des villes à engendrer et supporter avec indifférence le hideux, le malpropre, le malodorant, le crasseux qui noircit l'angle des immeubles et le bas des panneaux de signalisation...

 

Fermant les yeux, ce sont talons d'arbres en exode que tu entends marteler le bitume, tandis que la cafetière crachote son encre qui sent la torréfaction et les cultures sur brûlis d'Amazonie. Encore embrumé, ton esprit cherche un papier blanc, juste pour se reprendre en invitant à s'y poser l'essaim de mots tourbillonnant autour de l'ampoule électrique.

 

Par la fenêtre, - ting, tong... tang ! - s'allume ici ou là, comme au hasard, l'une ou l'autre lampe aux étages de l'immeuble qui, depuis l'autre rive, t'observe avant même que se soit levé le jour. La pluie a si bien lavé la rue qu'y reparaissent, comme des mosaïques, d'antiques reflets du temps des becs de gaz.

 

Les pneus d'une automobiles passent en sabrant ces clartés, avec un chuintement mouillé. Au volant, penché vers le pare-brise, son conducteur, myope ou concentré, scrute un but dont tu te désintéresses et ne sauras de toute façon jamais rien.

 

Le liquide noir a fini de filtrer, tandis que toutes sortes de gens s'engouffrent déjà dans le métro vers des expériences vitales horribles ou merveilleuses que nul ne peut soupçonner, auteurs de romans mis à part. Encore qu'ils soient souvent moins imaginatifs que la vie-même.

 

Enfin, pour retrouver le chemin de la beauté, tu vas jusqu'à la chambre. Tu poses ton plateau sur le lit pour puiser ton premier bonheur dans son premier regard. Elle tourne la tête vers toi et sourit sous ses mèches blondes : un rai de soleil qui traverse une saulaie.

 

Par la vaste baie, on voit les mésanges du jardin festonner l'air d'arbre en arbre. Les pies, les geais déploient le jeu de carte blanc et noir de leurs ailes pour l'aluette de l'aube. Et toute l'année les colombes, plumage couleur d'ardoise, foulard clair autour du cou, roucoulent en se bécotant pour nous donner l'exemple et refonder ce qui fait la splendeur de l'univers.

 

 

 

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