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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 14:16

 

 

 

 

 

 

 

                                                            Méditation d'hiver

 

Murmures insolents et souvent tragiques : le vent happé par les arbres agite, soulève façon vieux pardessus son ombre au sol. Un rayon précoce prend les crêtes de la houle en enfilade : l'on rêverait d'apercevoir le fameux rayon vert ! C'est seulement le paon de l'aube qui fait la roue. Vite, un crayon pour griffonner les restes de noirceur splendide que la nuit laisse dans les âmes !

 

L'écume sur la plage range ses trésors, diamants, herpes marines, bouteilles, bois flottés. On dirait qu'un galion invisible a été drossé à la côte, dont les cales vomiraient des souvenirs de périples exotiques. Dans cette lumière glacée, pareille à celle de ces films polaires où des hommes grenouilles nous emmènent voir les phoques sous la banquise, les ombres des maisons, des peupliers, des reliefs des falaises, se découpent sur les souvenirs du paysage d'été pour nous signifier que, finalement, l'itinéraire de vivre a beau aller droit, ou sinuer face aux obstacles, il ne saurait être qu'une longue suite d'erreurs.

 

Ce fuseau d'aluminium qui cligne un instant dans le ciel en emportant qui sait où des rangées de voyageurs fortunés, comme il semblait autrefois une oeillade du bonheur lui-même... L'exotique beauté des ailleurs sur les affiches du métro réveillait en nous des nostalgies pour des lieux où nous n'avions jamais vécu, et que parfois maudissent ceux qui y sont nés. Être le vent, seigneur nomade, chiffons et bannières flottants sur fond d'azur, et faire le tour de la terre, mers bleu sombre et continents ocre pâle, être le vent, enfants nous semblait plus excitant encore que d'être ange ou pur esprit !

 

C'était l'époque où les rosiers, les jardins, les rues, les écoles, les maisons, l'ensemble de ce que nous avions pu apercevoir de l'univers semblait taillé dans la limpidité, dans la joie d'entrer parmi les choses, de s'amuser d'une coccinelle qui ploie un brin d'herbe ou d'une fourmi qui ne ploie pas sous une miette trois fois plus grosse qu'elle...

 

Un jour, passe une sorte de poulpe géant. Certains l'appellent « amour », d'autres « guerre ». On ne sait quel il est vraiment. Mais il enveloppe brusquement tout ce qui nous enchantait dans une noirceur d'encre en quoi ses tentacules nous tiennent ligotés sans qu'à aucun moment l'on s'en puisse dépêtrer.

 

Plus tard, il devient clair que, sortis du lumineux tunnel de l'innocence, nous venions de rencontrer l'illimitée et funèbre réalité.

 

 

 

 

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