34. Nocturne de la Gloire
De cette triste nuit nulle clarté ne vient
Le seul éclairage
Est celui de la rue Il tombe d'un lampadaire
Au teint malade et blême d'asiatique frappé de jaunisse
Sur les trottoirs mouillés ses reflets vacants glissent
Aucun écho de pas dans la cité désertée
Tous les gens du quartier se sont absentés
Dans le sommeil Au ciel noir ne restent que leurs étoiles
Qui palpitent au rythme des éthers pour dire « je suis là, je suis là,
Nous sommes toutes là ! » Toutes en effet
Sont là excepté la bonne, la mienne, celle
Sous laquelle aux Arcs je suis né...
L'odeur me revient de la vieille maison de famille, puis
S'efface et le jasmin du jardin de ma sœur la remplace
Odeur d'août et de rires d'enfant où la verdeur des pins
Charge la nuit d'une résine résolument invisible
Dont l'ambre transparent répand partout ses effluves dorés
Rappelant la cire, l'atelier d'artiste et la térébenthine de Venise
Associés au grondement merveilleux là-haut de l'orage argenté
Du Cavaillé-Coll de la cathédrale à la tribune où tu grimpais
Et descendais les marches d'ivoire des cinq claviers
Dans les volutes de l'encens avec l'élan de la jeunesse
Et derrière toi – i l l u m i n a n t
L'ombre où sur le banc de bois dur tu t'efforçais le cœur battant
De dompter une toccata de Liszt, de Vierne ou peut-être de Tournemire
Que la fougue orageuse de l'orgue semblait monnayer en longs échos
sous les ogives de la nef
Tel un déploiement irisé d'aurores boréales
Faisant vibrer les corps de la foule assise au pied des tentures violettes
Suspendues aux faisceaux de nervures vertigineuses des piliers
(Et frappée d'extase l'Amoureuse auprès de toi en oubliait
Son sacré devoir de te tourner les pages) --
V e i l l a i t s u r t o u s e t s u r v o u s d e u x
La R o s a c e i m m e n s e qui donnait à voir
Dans ses feux d'arc-en-ciel la G l o i r e f i c t i v e d e D i e u !