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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 18:47



Lof pour lof !
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Serait-ce, d'un orient de perle, une bouée sphérique posée au large sur la plaine salée pour repérer le corps mort du jour, passé ou futur ? Certes non ! Ce n'est que la pleine lune !
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Cependant, à ce point exact une bulle lâchée par quelque léviathan assoupi remontera brillante des abysses, puis éclatera sur la mer : chacun y verra le soleil de l'aube !
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Bizarre, cet univers qui cherche à toute force à se concilier mon imagination en fusionnant, dirait-on, le réel des mots et le réel de la réalité, par pure complaisance !
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Voici qu'arrivent les protées volatiles qui s'appliquent, en criant dans toutes les positions, à singer certaines lettres de l'alphabet, V, L, W, A, M : les plus faciles pour leur zèle.
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Ils brassent l'air juste au-dessous du plus vaste nuage, afin que leur image ailée se distingue bien sur sa blancheur vaporeuse. À les suivre au ciel, la tête soudain me tourne.
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Se pourrait-il que si tôt matin, je sois tombé brusquement amoureux du vertigineux Apollon, au point d'en faire le dieu flamboyant de ma terne verve de poète, au détriment d'Aphrodite ?
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Malchanceux pêcheur
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Il arrive que tu croies savoir, que tu aies comme le souvenir d'avoir su, quoique en dernier ressort, il n'y ait en toi, pressant, que le déplaisant sentiment d'avoir perdu telle importante chose, dont tu ignores tout !
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Entre diverses techniques, disposer des collets de trois lignes sur la neige, les relever avec patience, constater sans déception qu'ils sont vides pour le motif que tu t'y attendais, est une façon de tromper le blême renoncement !
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La certitude originelle d'une connaissance ou d'un moment qui furent si brûlants qu'ils ont troué, incandescents, la paroi de ta mémoire, te serre le coeur d'une frustration que seul l'objet concret du manque pourrait soulager.
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Il te souvient de l'époque où certaine ineffable mélodie en ton firmament intérieur mouvait de radieuses sphères ! Les notes aujourd'hui s'en dispersent dans tes songes à la façon de ces vols d'étourneaux que pulvérise la distance.
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En contraste avec cette absence chargée d'attente qui leste les phrases que tu disposes ainsi qu'un oiseleur ses gluaux, tu écoutes, tu vois, tu lis des oeuvres qui ont réussi, en cages de fils arachnéens, à capturer leur phénix.
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Tu te voulais épeire, prenant, la nuit, au filet de tes toiles ces insectes luminescent que les gens terre-à-terre nomment "étoiles", toi convaincu que chacune d'entre elles, en tirant l'invisible lien, te conduirait à un humain.
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Les étoiles, il faut bien y consentir ne sont pas des cerfs-volants, ni ces lucanes brillants aux ailes vibrantes du genre que, galopins, nous retenions de s'envoler trop loin en leur nouant la patte avec le fil à coudre maternel.
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Sans doute se tiendrait là l'explication du fait que parmi toutes les étoiles, la tienne est perdue, comme une truite arc-en-ciel aurait fui en cassant la ligne d'un malchanceux pêcheur – toi ! - qui perd son temps à mouliner le vide.
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Le Six du silence


Le poème secret, gravé sur le bloc erratique oublié au milieu de l'eau, sera tourné vers la rive des saules, quand même mon corps aura depuis longtemps vu ses atomes remêlés à ceux de l'univers.
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Les traces légendaires des amants leur survivent, ignorées, ainsi que pâquerettes au printemps qui renaissent sous les pas de la fée, simple femme, mais éprise de quelque enchanteur toujours nouveau.
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Sous le lac, telle une argyronète, elle a tissé la bulle renfermant l'étrange manoir à clochetons acérés d'antennes et de girouettes où, grâce à mille formules magiques, elle règne sur le cœur qu'elle a élu .
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Le seul vent qui déploie en z les oriflammes sur les toits est celui qu'elle suscite elle-même lorsque fantaisie lui vient d'aérer l'éthernité des salles, qui finissent à la longue par sentir le renfermé des vieux mots poussiéreux.
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C'est alors une brise à voix de violoncelle qui s'éveille, une tiède mélodie d'août, pareille à celle qui agite les bannes pourpres en travers des hautes fenêtres de ces palazzi siciliens où déclinent les descendants des ducs normands.
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Enfin, au détour des longs couloirs l'on aperçoit quelquefois de dos la maîtresse des lieux, mince et diaphane comme le sont les morganes, si vive passante que vole sa somptueuse chevelure jalousée du soleil des vivants.








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Humble orgueil
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Au-delà, encore au-delà qu'il faut aller ! Que le vent chaud du sud nous apporte les mirages du désert ! Quêter le point d'eau où se rassemblent les animaux en conversant à voix-basse, là où tremble l'éclat de la vie...
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Emmitouflé de ciel indigo, du taqaqat' jusqu'au chèch', nomade fils du vent, regarde le monde avec cet humble orgueil qui allume dans tes yeux sombres une braise d'infini. Rien en ce monde pour toi que tu ne voies de haut.
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Puis la nuit, lorsque se fend de froid et de solitude le coeur des pierres, allume un foyer des quelques paquets de ronces qu'avec toi tu emmenas à dos de méhari. Et contre son pelage blanc qui respire puissamment...
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Allonge-toi au coeur de l'incommensurable, sous les diamants des étoiles qui clignent, nappant le firmament d'une rivière à laquelle ne suffisent pas les deux bords de l'horizon. Et balbutiant une vague prière, endors-toi en rêvant à quelque improbable déité.


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Sans vergogne
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C'est une voix duveteuse
qui t'effleure l'oreille
Elle te trouve trop laborieux
trop imparfait trop dénué d'inspiration
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Elle te traite de poétaillon misérable
dont les écrits sont tellement insuffisants rares
lacunaires hachés dénués de profondeur
qu'ils ne valent pas tripette !
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Misérable malgré tout
tu continues allant vers l'abîme
de l'oubli tel un drogué dont les maux incurables
sont les mots Tu continues et tu continueras
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jusqu'à ce que mort t'étripe !




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Un jour de 1995.
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Ce pavillon d'un sousaphone en cuivre qui déborde l'étagère du marchand d'instruments où depuis belle lurette je n'achète plus de partitions, c'est le plein soleil anadyomène. L'eau étale ne chuchote même pas en tentant de jouer avec mes orteils. Les oiseaux sont des notes de musique qui ont perdu leur portée, ils ne savent même plus quand rompre le silence.
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Lorsque, plus tard, je serai vieux et que j'en aurai assez des comparaisons, enfin je rejoindrai ce silence avec lequel je triche en écrivant sur mon carnet, au bord de la plage. Une habitude ancienne, avec laquelle j'ai décidé de prendre des distances, mettons dans quelques décennies, après mon soixante dixième anniversaire. Il serait temps d'apprendre à vivre !
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En attendant, je longe le littoral qui sent très fort, une quasi-puanteur à laquelle je reconnais que se sont échouées sur les rochers les petites "barques de la St Jean", des velelles bleues que le rayonnement solaire noircit et dessèche jusqu'à décomposition. Une flottille nombreuse dérive encore au vent, à un jet de galets du rivage.
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Si le remugle spécial vous prend aux naseaux, il a pour avantage de constituer un moment inoubliable, un événement dans ma vie insignifiante, associé à l'éblouissement de la côte italienne dont chaque fenêtre de toit se change en soleil fugace tour à tour, à la splendeur timide des vaguelettes à cette heure-ci fraîches et cristallines, à l'air, dont la limpidité contamine les montagnes au point que le ciel transparaît au travers...
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Un moment dont la justesse est subtile comme la différence entre un demi-ton diatonique, et un chromatique qui sonne toujours un peu faux à l'oreille ; un moment infime, ainsi que cette seconde, je ne sais quand perdue, et qui était la mince lézarde du Temps par laquelle j'aurais pu me glisser hors de lui, dans cet endroit qui ressemble à une tour d'aérogare, d'où l'on peut aiguiller et voir chaque trajectoire.
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Lorsqu'on a manqué l'occasion de pénétrer dans l'espace où s'ébattent les dieux, il reste encore la solution de se mettre nu comme eux et de courir se jeter dans les vagues, afin que le soleil nous couvre de sa gloire et nous change pour notre délice en une sorte de dauphin étincelant, jusqu'à ce qu'une dame nous hèle depuis la jetée pour annoncer qu'il est midi, et que le repas attend !
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Orios
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Cette pluie soudaine qui flagelle la rue imbibée de soleil aux trottoirs fumants, ma foi ne dérange pas les passants qui reviennent des courses légèrement vêtus en tirant leurs caddies ragaillardis !
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Qu'une averse de poèmes ainsi rafraîchisse les passants pour qui vivre est camper à deux pas de l'enfer, quelle merveille ce serait ! Déclamer tes vers avec la voix de l'orage ou celle de la mer, quel "pied" !
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Ne rêve pas, scarabée aux cornes de cerf qui roules devant toi vers un but indéfini ta boule de crottin parfumé à l'odeur de pet d'étalon ! Le chemin que tu suis n'a pas vraiment de terme, sinon sa duplicité...
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Bah, l'essentiel est d'avoir croisé en chemin l'immense Beauté aux bras nus, qui voyant ta carapace dorée l'a glissée à son doigt ainsi qu'un anneau de mariage, pour que plus jamais tu ne la quittes !
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La nuit des temps...
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Oubliés – comme tant ! - nous fûmes des hommes, et nous avons vécu ce que vivent les hommes : l'espace de quelques lustres. Juste assez de temps pour que nous envient les roses !
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Sur la dalle où sont gravés les trois pavots, nous avons disposé des oeillets bleus et des giroflées ; qu'un vague sentiment de paradis règne et embaume le caveau des aïeux bien-aimés.
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Dans ma tête aujourd'hui, une mélodie de cor anglais déroule un ruban qui évoque un goût d'oseille, avec les inflexions du cygne noir de Tuonela que je vois nager dans les eaux glacée de Tuoni...
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Par opposition, ce quatre juillet est plus chaud que jamais, les bassins des fontaines publiques sont envahis de gens demi-nus, ou parfois vêtus, qui viennent se doucher de fraîcheur.
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En complément, je revois les images de la fontaine de Trévi la nuit, qu'investit seins en avant l'actrice à longue traîne, dans La Dolce Vita. Anita Ekberg, peut-être ? Ma mémoire s'émousse.
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Qu'importe son nom, il restera sans doute d'elle cette image de "l'éternel féminin" traversant à jamais l'eau étoilée alors que la fameuse fontaine aura disparu dans l'autre nuit, celle des temps.
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Fragile et pourtant durable est la lumière jouant avec les artefacts des humains, et cueillant sur la page claire les caractères sombres comme des fourmis et secrets comme des myosotis.
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Bouche bée
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Parfois j'ai le sentiment d'être une carpe qui mesure en allers-retours les heures au fond de l'étang vert. Lorsque j'ouvre la bouche, m'échappent des bulles d'un silence d'encre qui n'est pas tout à fait rien.
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La pesanteur de la vie est de beaucoup diminuée lorsqu'on évolue au sein d'une transparence au-dessus de laquelle le jour secoue ses grappes de lavande en fleur. Épuisantes sont l'angoisse et la douleur des Autres.
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Lorsqu'après avoir tourné au coin, il s'engagea dans la rue couverte d'un regain de soleil à la façon des chemins de campagne que parcouraient les charrettes hautement chargées, dont les arbres du chemin griffaient le foin.
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Une odeur de blés frais fauchés tremblait en s'élevant du passé, profondément occulté sous le bitume. Ré-enfouis tes souvenirs dans des boîtes de fer, ainsi que des oiseaux morts, et enterre-les au pied d'un hêtre !
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De toutes les manières, ils ne te serviront bientôt plus, et nul autre ne pourrait rien en faire. Toi-même tu les vois se diluer dans le jus noir au sein duquel ton esprit, poisson qui n'est pas toujours d'or, va et vient dans son bocal d'os.


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Taciturne
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Le chat au pelage voluté gris-nuage, assis sur le rebord du mur, médite sur les inconvénients de la canicule. Il n'est pas mécontent de n'être pas doué de parole : il se dit que ça lui évite des efforts inutiles.
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C'est qu'il est capable de supporter le mutisme, le sien, celui des fleurs, des herbes folles. Celui de la nuit qui se contente d'afficher ses étoiles en silence. À lui, certes, elle ne demande rien.
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Que j'aimerais savoir écrire, se dit-il en suçant une griffe de sa patte droite comme si c'était la pointe d'un stylo. Puis il lève la tête un moment pour voir l'immense dieu bleu boire au calice du soleil couchant.











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L'épée suspendue
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Oh, pouvoir comme Alexis Léger rêver un destin coloré, ascensionnel de notre monde ! Certes terribles, les guerres de son temps ne s'ajoutaient pas à la conscience du désastre climatique latent. Pris dans les tornades, il a toujours pu les fuir quelque part, fût-ce en un lieu "flagrant et nul"...
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Le pôle nord existait encore, le magnétisme du globe n'était pas hésitant, le niveau des mers n'inquiétait pas, les peuples n'étaient pas surnombreux, et s'il rêvait aux grands nomadismes, il naviguait dans un espace ordonné, et les confins de son Asie semés d'idéogrammes étaient paisibles.
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Les uns se font un ordre de parti-pris, paysage figé par l'hiver. D'autres se réfugient dans l'absence de pensée du bien-pensant, noyés dans la spume d'une société en décadence. Ou encore dans l'omni-indulgence qui se refuse à juger, la tête dans le sable, le cou tendu à l'égorgement.
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Il faut pourtant affirmer que toutes les pensées, toutes les opinions, toutes les visions du monde ne se valent pas. Il est temps d'expliquer aux esprits dilués, incertains, l'enjeu des forces en présence. Il faut dire fermement les vérités, appeler le bons "bons", les méchants "méchants".
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Le temps de finasser, de couper les cheveux en quatre en usant de toutes sortes d'arguties, morale facile et proclamations à deux sous, idéaux stupides, droits de l'homme qu'on viole à l'instant même où l'on s'en revendique, est passé. Imminente, la Lumière se vengera.











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Mais quel est le sujet ?
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La volupté de conter en poèmes ! Celle de la mer, tournant soixante-dix sept fois sept fois sa langue blanche en elle-même avant de s'adresser au rivage, n'en approche pas.
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Je me rêve déjà, jonchant la page d'esquilles d'alphabet d'un noir d'encre à la manière d'une marée qui, de l'estran se retirant, découvre mille herpes indéfinies.
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Hélas, elles perdront leurs vives couleurs au soleil, galets multicolores uniment séchés jusqu'au gris-blanc, coquilles de pectens entières ou brisées dont le pèlerinage est terminé, brindilles de bois usées, mains de poupées cassées que la mer émousse pour les assimiler à des restes de statuettes antiques...
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Tous les poèmes pâlissent à la lumière de la conscience ! Pour jouir de leurs légendes, il faut se faire l'oreille en conque, capable en ses repris secrets de retenir le bavardage de notre immensité intérieure, fluctuante et tantôt rose de sentiments, tantôt verte de désirs, ou du bleu-saphir de la sérénité.
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L'enfant qui prend dans sa main la grosse coque nacrée et l'appuie sur le côté de sa tête, à l'affût d'un miracle, sensé, sans aile, âgé comme un mirage tout droit émané de son imagination. Et satisfait, le voici qui se jette nu dans la fraîcheur éclaboussante, le corps douché d'une pluie de diamants par le soleil philopède !









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D'un feu inexplicable...
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Pas si simple de travailler avec le feu, le feu froid, quotidien, dont la flamme bleu-paradis est souvent à peine visible, évoquant ces dents séduisantes et mordantes des brûleurs de la cuisinière à gaz au-dessus desquels, fascinés, nous hasardions un doigt – aussitôt puni !
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Mais ce feu-ci ne brûle pas matériellement, il consume à la façon de l'amour, avec fusées murmurantes vers le firmament où ses envolées d'étincelles sont par la baguette magique de Morphée changées en étoiles et en tournoyants feux de bengale...
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À lui la tiédeur des nuits d'été ruisselantes de rossignols, de gracieuses déesses hautes comme trois pommes qui dansent nues dans nos esprits avec la fraîcheur du ressac marin, à lui la profusion multibulles des écumes irisées, et la scansion musicale du poème.
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Feu de vertige étourdi, fente du noir triangle divin, évolution géométrique des escadres d'étourneaux à l'aplomb pourpre des falaises que contrebat la mer, kaléïdoscope de vagues diffractant le sourire mélancolique de la pleine lune autour des baigneuses de minuit...
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Mais aussi feu de la prescience au froissement sybillin des feuilles de l'olivier qui veille au sommet d'une éminence déserte, feu de cette vie pétillante de l'univers, l'insecte sous les pâquerettes et le lombric sous la pierre, la fourmi exploratrice et la guêpe en gilet de Nestor sur la pomme pourrie ;
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feu de l'oiseau-comète qui traverse les ramures de fumée rose, là où se trament les premières heures du jour, feu dans les cannes du bord de l'Argens entre lesquelles se faufilent en sinuant les campagnols, les cannes luisantes par envie de se changer en kénas à cause du flûtis de l'eau.
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Ouvre-toi entre mes mains, feu consumant les rages et les rancoeurs, les orages et les laideurs, les impuissances et les frustrations ! Ouvre ta fleur lumineuse qui de son langage envahira l'épair extralucide du papier, ce devin de mes songes, puis envole-toi vêtue de blancheur, colombe de la paix !









Divagation
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Habité d'une fée dont je suis constamment en souci, sur la nacre de l'arène blanche, laissant mes traces dans la poudre, je m'aventure en longeant l'obstination de l'écume impuissante à dépasser sa propre limite. Ici ou là une spirale émerveille de son infime complexité l'espace à perte de vue. Contre le venin qui rôde au delà des mers, je me mithridatise en tressant de mes idées un olivier d'argent. On aperçoit un cargo ivre qui s'éloigne : indistincts sur sa poupe, quelques caractères grecs : au bout d'un moment, je finis par deviner le mot ΑΜΦΙΤΡΙΤΗ... Une vaste mélancolie me saisit, comme lorsqu'on voit embarquer un être aimé que l'on sait ne jamais revoir. Le visage de mon amour s'impose à ma rêverie. Une voix amère me dit que toute présence féminine est un miracle ou un serpent. La grâce d'une compagne vraie embaume la vie, m'évoque le parfum du serpolet qu'on a froissé entre les mains... Et m'inspire des phrases sans suite !
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(serpent ==> Mélusine)






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Post-its
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Bizarrement, pierre à demi descellée de la restanque, d'une ère qui pousse ses racines de plus en plus profond vers la nuit du passé, l'âme approche de la chute.
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Le détachement – sujet à la mode ! Travail sur soi, dit-on. L'écureuil sur sa branche ?
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De la paix, ce soir le coeur est visiblement serré.
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Le sabre de l'Inutile, au tranchant mince comme feuille de papier.
Endurance, un bond par-dessus l'érosion.
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Peu de mots, tant que les court-circuite l'éclair.
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"C'est pour moi seule que je fleuris, déserte !" (Hérodiade).
...Une immense solitude safranée, la poésie.







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Rendez-vous du révolté
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La démence de ce siècle d'assassins n'étouffera pas en moi sous ses noirs tissus vermiculés la splendeur de l'univers. Je continuerai de m'abreuver à sa source comme le chevreuil aspire à longs traits l'or de la mare où sans cesse brouillée l'aurore se reconstitue.
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Tandis que pieds nus je me hasarderai sur la rosée dont luisent les prés, une fraîcheur vaporeuse s'élèvera au fond des enclos où placides, je verrai paître des vaches aux robes tachetées d'archipels noirs et blancs. Relevant la tête entre deux broutées, elles encornent l'azur...
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Grandes vaches toujours aimées, trimbalant leurs pis avec davantage de dignité que les chèvres ballantes, quelle paix dessinent vos yeux andalous, interrogatifs parfois sous leurs cils démesurés ! L'odeur des bouses que le vent par bouffées donne à humer au berger
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me rassurera comme la senteur-même de l'Inaltérable en fleur. J'approcherai de la pinède aux ramures entrecroisées en lesquelles s'est pris le soleil tel un loriot empêtré dans des ronces. Là m'attend sans voile ma Beauté, paume caressante, déclinant les facettes de sa lumière pure.




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L'évidence du retour
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Arrivant de loin, nous étions sortis un moment de l'automobile, au bord de la route de Maillane, pour satisfaire à une certaine nécessité dans un petit bois de pins parasols qui ombrageait la garrigue.
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Le soleil excitait les cigales de cette fin d'après-midi : nous avons fait quelques pas, mon père et moi, pour nous délasser les jambes. Un chemin de terre battue, qui là-bas menait au cube blanc d'un mas...
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J'avais douze ans. L'air que nous respirions fleurait le thym et mille autres plantes odorantes, dans un cocktail que je reconnaissais d'instinct exactement comme, remontant le torrent natal, un saumon
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reconnaît la teneur chimique de cette limpidité qui miroite entre les roches de la flaque où vibrionnait sa vie d'alevin. Une sorte d'essence unique de l'air qui avait traversé les plaines et les collines,
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en avait récolté les fragrances dont il avait, dès ma naissance, imprégné mes poumons et mon esprit à mon premier cri, lorsque dans ses bras ma grand'mère provençale m'avait recueilli, moi,
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le "petit singe" dont ma mère avait tellement souffert que durant quelques heures elle avait refusé de me voir, tandis que le chirurgien que nous cachions des allemands la sauvait de l'hémorragie.




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Hermétique
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Responsable d'une poignée de belles phrases qui l'expulsaient aussitôt pour prendre leur autonomie de sens, il rêvait depuis les marges de ses pages en les regardant avec les yeux d'un pêcheur.
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Qu'un éclair d'or en traverse la surface, se répande jusqu'à lui en ondes chargées de ciel, et c'était pour lui un pur ravissement : il contemplait les OOOO silencieux de vérités cachées...
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Non sans un peu de honte, il n'hésitait pas à saisir, encore palpitantes, même celles qui ne faisaient pas la taille réglementaire, et les enfouissait dans une sorte d'outre plein de transparence.
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Là, elle tournaient en rond dans la pénombre, perdaient leurs caractéristiques vaseuses, jusqu'à ce que rendues au jour elle n'aient d'autre parfum qu'une fraîcheur naïve de fenouil mâchonné.
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Scintillantes écaille de soleil, elles séduisaient l'âme qui les tenait captives, telle une cage de lumière, de son miroir, fascine cette sorte d'alouette qui ne cesse de rêver d'illumination et d'altitudes ouraniennes.
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Et voici que se croyant poète, il chaussait à ses talons les sandales ailées d'Hermès pour, caducée dans le poing gauche, à travers l'azur ennué de jasmin ou la nuit constellée, s'élancer plus loin que les vents...




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Vers la Fontaine du Loup


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Retour de l'été, des amours à la fraîcheur de menthe, des longues contemplations de la mer depuis l'ombre d'un pin parasol qu'obsèdent les cigales. L'odeur d'ambre solaire nous effleure, venue d'un passé spectral comme un mythe où vivraient encore nos aïeux.
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Parfois l'on reprend le vieux sentier qui croule sous les ronces constellées de mûres noires, au rebord de la falaise. De l'autre côté du gouffre que sans effort traversent les oiseaux, la tour carrée du Parage avec oriflammes et gonfalons armoriés qui flottent dans l'azur.
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En bas, les cannelures roses des tuiles romaines, les toits agencés en un plaisant désordre : le village semble un effet de l'art. Colombes ocre dans les ferronneries du clocher. Les groins des pierres fouillent la poudre sèche ; la chaleur pousse les plus grosses à s'enterrer.
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Constamment le regard passe de nos tropéziennes enserrant des mollets nus auxquels on veut éviter les griffures, à l'entaille ombreuse du vallon qu'éclairs après éclairs a raviné le Réal
capable, l'autre hiver encore, de ruiner l'antique pont romain et ravager les rues.
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On reprend le sentier que les gens ont presque oublié. Longé d'un mur de pierres sinueuses, face au levant, parsemé de modestes verdeurs dont les touffes fleuries éclatent au soleil, il était jadis le seul passage emprunté des ânes qui circulaient du village jusqu'au plateau.
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Aujourd'hui, naturellement, une large route asphaltée sinue en pente douce pour escalader le versant... En traverse chaque lacet, comme une corde un arc, la raideur du petit chemin, désormais raccourci désaffecté. Une roue de moulin de bois déglingué, un torrent volubile...
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Jadis on y venait charger les sacs de farine. Le ruisseau ne sert plus qu'à l'arrosage des maraîches en contrebas. Remontons-en le cours ensemble : seuls quelques vieux enfants comme moi savent qu'à mi-chemin les attend un figuier dont les figues ont goût d'éternité.


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